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Paris - Compte-rendu - Isabella à Dubaï, reprise de l’Italienne à Alger de Rossini selon Andrei Serban
Il ne fallait pas compter sur la direction de Bruno Campanella pour faire mousser le champagne rossinien : lente, terne, attentiste au mieux, elle voulait probablement refréner la délicieuse ébriété de cet opéra « giocoso » auquel le « mange, bois et tais toi » ironique de l’intronisation de Mustafa au rang de Papataci pourrait servir de morale.
L’Ouverture se traînait, avec sa pin-up en carton pâte qui finira enfin par s’envoler aux cintres, et toute la soirée fut dirigée dans un tempo unique, sans le moindre sens rythmique. Serban ne s’est guère montré plus inspiré, abandonnant toute velléité de direction d’acteur pour laisser constamment émerger le ton univoque de la farce que Rossini emploie à la manière d’un fond de tarte. C’est comme si le metteur en scène avait oublié la garniture, l’esprit rossinien, si présent justement dans la musique.
Pour l’Italienne, on devrait toujours proclamer « prima la musica poi le parole » Au 1er acte, le bain caricatural, presque « savarien », des eunuques (qui rouvriront le II culs tournés vers le public), donne la couleur, et Serban y est absent une heure durant, trouvant juste à temps pour réveiller le public sa première idée loufoque avec le naufrage de la maquette du bateau transportant Isabella et Taddeo, puis la projection de son immersion quasi grandeur nature sur écran. Le contraste des échelles ne peut manquer de faire glousser.
Le II est mieux trouvé malgré sa lamentable introduction, avec la petite gymnastique d’Elvira croyant dur comme fer avoir récupéré son Mufti. Mais ce sont surtout les cérémonies d’intronisation de Taddeo (en grand Kaimakan) et de Mustafa dont Serban tire les ficelles avec habileté, son coup d’éclat restant le « Forza Italia » dans le chœur, récitatif et rondo du II où tout le monde se retrouve habillé aux couleurs du drapeau italien et où les blocs de pierres transportés au I dessinent à bout de bras une péninsule sommaire. L’idée culminera dans un délire durant l’intronisation de Mustafa avec des italiennes déguisées en girls du Lido (portant perruques bleues) faisant qui la pizza, qui le chianti….
Serban ne fait pas plus subtil avec sa cohorte de mafiosi aux cigares éteints et aux pétards mouillés, réponse symétrique aux janissaires bodybuildés du I. Les décors demeurent assez laid, fuyant le sérail pour nous contraindre à des intérieurs dignes des dignitaires qataris avec leur coté toc et l’omniprésence des photographie de Mustafa (celle pour le délicieux intermède du café vaut son pesant d’or, il est vrai). Il fallait dons espérer beaucoup des chanteurs : Simone Alaimo n’a rien perdu de son entrain physique dans les frusques de Mustafa, mais sa vocalise peine, et son grave s’élime. Corbelli reste fidèle à lui-même, comédien brillant et vocaliste habile, et le duo Elvira-Zelmira était idéal, Jeannette Fischer donnant une touche de folie bienvenue à son épouse éconduite.
Impossible de trouver pour l’œil une Isabella plus sexy que Vivica Genaux, mais pour l’oreille ? Son contraltino qui rendait les armes dans le Bradamante de l’Alcina Haendelienne au printemps dernier, est parfaitement à sa place pour les emplois buffo de Rossini. Mais sa couleur reste unique, sa vocalise standard, mitraillée à la mode Bartoli. Le brillant ne lui fait pas défaut, et son incarnation abondait en finesses dramatiques sinon vocales. La révélation de la soirée fut le Lindoro de (photo ci-contre) Bruce Sledge qui faisait ses débuts à l’Opéra National de Paris : beau timbre, belle projection, même si il boit la tasse dans son air du II. Un peu plus de legato, un peu moins de vocalises nasalisées, il faudrait vite que ce jeune homme ne se trompe pas d’emplois : Ferrando, Tamino, Ottavio l’appellent, son avenir est chez Mozart, pas chez Rossini.
Jean-Charles Hoffelé
Première de la reprise de L’IItalienne à Alger de Rossini, Palais Garnier, le 11 septembre.
Photo de Eric Mahoudeau. (Jeannette Fischer, Elvira ; Simone Alaimo, Mustafá ; Vivica Genaux, Isabella ; Bruce Sledge, Lindoro. Au second plan : Alessandro Corbelli, Taddeo.
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