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Paris - Compte-rendu : Melancholia à la Bastille, quand mélancolie rime avec ennui
Quel ennui, mon Dieu! Et toujours pour la même raison lorsqu'il s'agit d'un nouvel opéra: l'absence d'un livret digne de ce nom. Pourtant, celui de Melancholia commande de l'Opéra de Paris et premier opéra de l'Autrichien Georg Friedrich Haas, né en 1953, a été tiré de son roman éponyme par l'écrivain norvégien Jon Fosse lui-même. Preuve qu'on n'est jamais si mal servi que par soi-même.... Le sujet du livre comme de l'opéra est l'évocation d'un épisode de la vie du peintre norvégien Lars Hertervig (1830-1902) : accusé de vouloir séduire la fille de sa logeuse, il est chassé de la maison par l'oncle et la mère de la belle Hélène. C'est mince, même si le futur psychiatrique du peintre peut nourrir l'imagination des foules.
Quand on songe à la sublime exposition consacrée il y a quelques années à Paris par Jean Clair au thème de la mélancolie, on reste sur sa faim. D'autant que le metteur en scène Stanislas Nordey, le décorateur Emmanuel Clolus et le costumier Raoul Fernandez ont conçu un spectacle en noir et blanc dont l'ascétisme confine à l'indigence : jeune couple en blanc, vieux couple en noir, dans un cadre anthracite. C'est ainsi que la scène centrale du café est suggérée par les bouteilles de bière que brandissent une dizaine de choristes. Pas de frais inutiles : louable intention.
Face à son anti-héros, Georg Friedrich Haas a ressenti comme un vertige l'attraction du Wozzeck de son compatriote Alban Berg. Que n'a-t-il vu que celui-ci avait conçu, lui, à partir de la pièce de Büchner un livret aussi rigoureux qu'un scénario de film ? Comme antidote au sérialisme viennois, Haas a choisi de se tourner vers le mouvement spectral développé en France par Gérard Grisey et Tristan Murail notamment dans les années 1970-80 en réaction à la toute puissance de Boulez. Cette cure d'« harmonies naturelles », comme le dit Haas, ne favorise guère l'unité stylistique de l'oeuvre qui passe de citations grégoriennes pour le choeur au bruitisme sur fond sériel zébré de quelques accords naturels.
Peu importe la méthode, du reste, ce qui compte c'est ce qu'on a à exprimer. C'est là qu'on se pose des questions, car on entend surtout la juxtaposition de plusieurs académismes. Certains peuvent se contenter d'une machine qui tourne à vide. Nous pas. Sans que les interprètes soient en cause : on compatit même volontiers à leur sort, du chef argentin Emilio Pomarico aux solistes.
Jacques Doucelin
Prochaines représentations au Palais Garnier. 12, 18, 24, 27 juin, à 20h, 15 et 22 juin, à 14h30.
Programme détaillé de l’Opéra Bastille
Photo : DR
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