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Paris - Compte-rendu : ReJoyce greatly
Entre deux représentations des Capuleti e i Montecchi de Bellini, à la Bastille, la pétillante mezzo-soprano Joyce DiDonato a trouvé le temps de donner son premier récital à l’Opéra Comique. Un programme entièrement consacré à la mélodie américaine, en écho au Porgy and Bess présenté dans cette salle, qu’elle était fière de promouvoir en France et plus particulièrement à Paris, capitale européenne chère à son cœur.
Après s’être adressée en français au public pour lui confier combien l’actualité politique aux Etats-Unis était importante à ses yeux, la cantatrice a débuté la soirée avec huit des douze poèmes d’Emily Dickinson mis en musique par Aaron Copland. Magnifiquement accompagnée par le pianiste David Zobel, très inspiré, la voix saine et fruitée de Joyce DiDonato a instantanément trouvé sa place pour révéler la singulière beauté de ce cycle, à la fois tendre et aride. Sérénité et simplicité pour parer « Nature, the gentlest mother », contestation pour « Why do thy shut me out of heaven » dont les dissonances soulignent la crainte, appel mystique pendant « Going to heaven », chaque poème était théâtralisé avec ce qu’il faut de naturel, déclamé avec un souci de clarté et une rigueur stylistique qui rendaient ces pièces touchantes et d’une grande proximité.
Américaine comme Marilyn Horne, à laquelle il est difficile de ne pas penser dès que l’on entend une mélodie de Foster ou de Copland, qu’elle ne cessa de défendre dans ses récitals, Joyce DiDonato poursuivait avec six mélodies tirées de l’American folk songs, toujours de Copland. Ligne de chant soyeuse, phrasés ronds et amples, couleurs variées, subtilités des interprétations, passant du Far West, « Ching-a-ring-chaw », au clin d’œil « I bought me a cat » sans la moindre vulgarité, à la retenue du « Long time ago », la cantatrice a su s’imposer dans un répertoire qui gagne à être traité avec musicalité et goût.
La seconde partie davantage tournée vers la comédie musicale, a permis de mesurer l’étendue des possibilités de l’interprète, aussi à l’aise dans l’émotion « It must be so », que dans le glamour « Extinguish my eyes » de Bernstein. Les deux extraits de Show boat de Jerome Kern abordés avec beaucoup d’expressivité et un sens de la scène absolument irrésistible, ont fait chavirer la salle, tout comme le célèbre « Send in the clowns » de Sondheim, chanté avec une rare intensité, sur un fil de voix. Plus que « The man I love » ou DiDonato a fait étalage de sa séduction naturelle, son « By Strauss » de Gershwin a mis le public en joie devant tant d’abattage, de charme et de piquant.
Un seul bis en guise de cadeau, venait clore ce rendez-vous parisien, « Over the rainbow » en hommage à Judy Garland. Un récital dont Paris se souviendra.
François Lesueur
Opéra Comique, 7 juin 2008
Photo : DR
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