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Paris - Compte-rendu - Rusalka, retour d’un des plus beaux spectacles de l’Opéra de Paris
La production de Carsen avait déjà enchanté le public de Bastille avec ses jeux de miroirs, sa légère touche de surréalisme (la chambre de Jezibaba au III), la simplicité de ses dispositifs troublés par une étrange propension au rêve. Renée Fleming y triomphait, inapprochable pour beaucoup, et voici qu’en deux phrases Olga Guryakova la faisait oublier.
Qui a pu incarner aussi naturellement la nymphe des eaux ? Le physique léger, la voix liquide, aussi envahissante qu’une onde, l’aigu aisé tendu ici où là par le trac de la première, notre impérissable Natacha de La Guerre et la Paix vient de remporter une victoire totale. Les ovations chaleureuses d’une assistance transportée la menait au bord des larmes, mais ce n’était que justice car elle nous en avait soutirées tout au long de la soirée. Le soprano lyrique si tendre de Guryakova offre une alternative à l’instrument plus glorieux de celle qui domina le rôle durant vingt ans, Gabriela Benackova. L’opulence du timbre de la soprano tchèque ne trouvait la poétique lunaire de Rusalka que par l’artifice, la russe laisse émaner la nymphe, c’est aussi simple que cela. Elle évoquait la Rusalka idéale, Lucia Popp.
La direction pondérée de Jiri Belholavek tirait l’œuvre vers sa nostalgie dépressive, gommant un rien les épisodes fantasques, mais en scène, Larissa Diadkova se chargeait de rétablir l’équilibre, avec sa Jezibaba grand teint. Hawlata, le meilleur ondin depuis Eduard Haken, pouvait-il encore progresser dans cet emploi essentiel ? Oui, il avait paré son personnage d’une humanité toute paternelle, laissant au vestiaire les caractérisations excessives par lesquelles tant de basses ont défiguré le rôle, à commencer par Yevgeni Nesterenko.
Les jeux de symétrie du II peinaient, soir de première oblige, mais pourtant la scène de la princesse étrangère demeurait toujours aussi fascinante, lorsque celle ci s’introduit dans la chambre en miroir pour se substituer à Rusalka. Anda Louise Bogdza , physique opulent et voix érotique, effaçait Guryakova, rendue muette par Dvorak durant les trois quart de l’acte, en fait jusqu’à ce que son père revienne essayer de la sauver. Elle entraînait avec tous les poisons de la séduction le Prince égaré de Miroslav Dvorsky, ténor solide à l’étonnant aigu en voix de tête, devenu si rares chez les chanteurs slovaques.
Arrières plans formidables, des trois nymphes spirituellement démarquées par Dvorak des Filles du Rhin de Wagner, au Garçon de cuisine de Karine Deshayes. L’Opéra de Paris ouvre sa nouvelle saison par un spectacle majeur de l’ére Gall, que vous pourrez retrouver en DVD, mais pour vous laisser émouvoir par la Rusalka de Guryakova, il vous faudra impérativement aller à Bastille.
Jean-Charles Hoffelé
1ére de la reprise de Rusalka d’Antonin Dvorak, le 9 septembre 2005, et les 12, 14, 17, 20, 23, 25 et 27 septembre.
Programme détaillé de l’Opéra Bastille
Rusalka en DVD à l’Opéra de Paris (version 2002)
Photo: DR
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