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Paris - Compte-rendu - Skrowaczewski dirige le concert d'inauguration de la Saison Polonaise en France

Ce concert ouvrait à Paris la saison polonaise et les trois compositeurs polonais les plus célèbres du XXe siècle avaient été programmés. Pour deux d’entre eux (Szymanowski et Penderecki), cette célébrité aurait été usurpée si elle avait eu pour fondement les œuvres présentées ce soir-là.

En effet les trois fragments de Poèmes de J. Kasprowicz op.5 de Szymanowski ne sont pas du tout représentatifs du génie du compositeur tel qu’il a pu s’épanouir dans sa troisième symphonie, son Stabat Mater ou son opéra le Roi Roger. C’est une œuvre pleine d’un sentiment douloureux et profond où l’on sent l’influence du Moussorgski des Chants et Danses de la mort mais dans laquelle on est à mille lieues de l’envoûtante sensualité mystique qui caractérisera les œuvre ultérieures. L’interprétation de la grande contralto polonaise Ewa Podles fut cependant remarquable avec ses notes graves androgynes légèrement voilées et son aigu percutant, dans un sentiment extrêmement convaincant.

Si cette œuvre du compositeur polonais a été choisie trop tôt dans son catalogue, on pourrait dire inversement que celle de Penderecki, sa Symphonie n°5, a été choisie trop tard. En effet Penderecki, représentant de l’avant-garde la plus audacieuse dans les années soixante, semble s’être réfugié dans un conformisme accablant dont cette symphonie porte témoignage. Certes il sait manier les grandes formes et les effets spectaculaires (ici les trompettes dans la salle), mais quelle pauvreté de langage, réduit fréquemment à des gammes chromatiques utilisées sous leur forme la plus littérale ou a une caricature de Chostakovitch.

L’œuvre donnée en présence du compositeur a eu un grand succès et a été vaillamment défendue par l’orchestre et le chef. Mais, pour nous laisser sur une bonne impression, il aurait fallu terminer le concert par l’œuvre qui l’avait inauguré, la très belle IVe et dernière Symphonie de Lutoslawski, somme de l’expérience du compositeur où le meilleur de Bartok et de Szymanowski se trouve synthétisé en un langage toujours raffiné avec en particulier la poésie ineffable de l’introduction qui nous invite à un rêve merveilleux. Les cordes sont beaucoup sollicitées avec de longues phrases aux mélodies expressives mais ce soir-là celles de l’orchestre manquaient un peu de moelleux. Cependant le chef, très investi, a su doser les équilibres délicats de la partition.

Sylvain Hochard

Théâtre du Châtelet, le 25 mai 2004.

Photo: DR
 

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