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Paris - Compte-rendu : Tchaïkovsky transcendé par la Philharmonie de Saint-Pétersbourg
La ronde des meilleurs orchestres du monde s’est poursuivie en cette fin d’année avec le cycle de trois soirées Tchaïkovsky données au Théâtre des Champs-Elysées par la Philharmonie de Saint-Petersbourg. Faut-il rappeler que Karajan dont on fêtera le centenaire en 2008, se déclarait jaloux de cette phalange dont il eût aimé être le directeur musical. Mais elle avait un patron, l’implacable Evgueny Mravinsky (le Karajan de l’Est) qui forgea d’une poigne de fer, de 1938 à sa mort en 1988, un outil capable de rivaliser avec la Philharmonie de Berlin ! A la mort de son « tyran », comment l’ancienne Philharmonie impériale allait-elle vivre sa perestroïka ?
Sous la houlette d’un de ses anciens musiciens, Youri Temirkanov, elle amorça voici juste vingt ans une révolution vers la liberté qui passa d’abord par une cure drastique de rajeunissement. La greffe a pris merveilleusement et l’amalgame donne aujourd’hui un exemple unique de souplesse féline, de musicalité et de réserve virtuose qui permettent à Youri Temirkanov de tout oser avec une économie de moyens stupéfiante. Vadim Repin trahit-il une légère baisse de tension dans le premier mouvement du Concerto pour violon, tous se mettent à l’unisson choisissant la musique de chambre pour mieux épauler leur jeune et brillant collègue. Ils auront agi de même la veille avec le pianiste Denis Matsuev, à la fois raffiné et bouillant dans le Concerto n°1.
Le troisième soliste était encore plus jeune en la personne du Paganini de la trompette Sergei Nakariakov qui s’est emparé de la partie de violoncelle solo des Variations sur un thème rococo grâce à la transcription réalisée par son père. Résultat surprenant, mais toujours parfaitement musical. Dans les pires acrobaties, ce génie de la trompette garde le cap du style et de la musicalité. Et tout cela avec une gentillesse, une simplicité qui sont la marque des plus grands. Il trouve dans les membres de la Philharmonie des partenaires à son niveau. Mais ceux-ci vont encore gravir un échelon avec les trois dernières Symphonies et singulièrement avec l’ultime Pathétique qui constitue le Golgotha de Tchaïkovsky.
Tout est évidence, rien n’est jamais souligné, rien que les notes lavées de tout pathos : la passion et la résignation mais sans ostentation aucune. Se garder ainsi comme d’un précipice de tout dérapage sentimental tient du miracle. Il est signé Youri Temirkanov.
Jacques Doucelin
Théâtre des Champs-Elysées, les 3 et 5 décembre 2007
Programme du Théâtre des Champs-Elysées
Les prochains concerts Tchaïkovski
Photo : DR.
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