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Paris - Compte-rendu : Triste Tosca
Illustrant l’adage qui veut que le tout soit dans le rien mais que le rien soit tout, Werner Schroeter est venu repeigner comme en passant sa Tosca de 1994. Cette fois le portrait de la Vierge aura subi les outrages d’un vandale. Pour le reste rien n’a vraiment bougé, la tranquille tradition d’un spectacle convenu dans ses dispositifs même ne s’est pas ému de sa poussière.
Une question pourtant. Au début de l’Acte III, alors que le pastore chante, Schroeter invente une troublante pantomime autour d’un soldat mort. Elément rapporté mais où paraît enfin son art de la direction d’acteur porté par un véritable univers poétique. Enhardi par cette réussite, il tente dans la foulée son premier essai de réinterprétation : Mario Cavaradossi n’écrit plus ses adieux à Tosca, mais c’est le carceriere qui prend sous sa dictée « E lucevan le stelle ». Jolie idée, mais effondrée par avance par ce Cavaradossi regardant désœuvré le fonds du décor durant la musique que Puccini lui a composée pour justement qu’il ait le temps d’écrire sa lettre. Fausse bonne idée qui ne respecte pas au final le timing très serré du compositeur.
Mais la question persiste, si Schroeter a su se montrer si inspiré, et aussi bon directeur d’acteur pour la mort du soldat, comment expliquer cette Tosca qui lève les yeux au ciel dès que Scarpia la touche, et ce Scarpia peloteur, ce Cavaradossi falot, cet Angelotti qui s’est pris un tour de rein ? Comment a-t-il pu souscrire à abandonner les personnages de Tosca au profit de leurs caricatures ? Manière de souligner ce vieux théâtre de Sardou qui ne vaut vraiment plus la peine ? On est bien embarrassé pour le spectateur qui aura vu ici sa première Tosca. Oui, le Te Deum y est, la grande table de Scarpia pourrait venir de chez Visconti, l’Ange du Château Saint-Ange, en lévitation, suspendu comme une menace, fait son effet quelques minutes, avant qu’on le trouve vraiment très plâtre.
Mais le jeu surligné des protagonistes trahissait a peu près ce qu’il y a de pire à l’opéra. Et vocalement le plateau décevait à l’unanimité : vaillant, mais en timbre bien trop noir, Galouzine n’est absolument pas Cavaradossi et pallie par le métier un organe défait, il est trop tôt pour le Scarpia sans velours, sans danger, de Ferrari, pas du tout barone, comique presque dans ses rengorgements, et l’amplitude de Bastille défait sa voix, la désunit. Fera-t-il mieux à Nice l’année prochaine dans une acoustique plus aisée ? Et Catherine Naglestad, qu’on a tant aimé en Salomé la saison passée connaît ici son premier échec parisien : la comédienne est impossible, elle aussi plus d’une fois involontairement comique, et la voix s’est éteinte : tout l’Acte I enroué, le II un peu mieux placé, mais sans véritable lumière dans le timbre, pour ne rien dire d’un style trop vériste pour Tosca.
Une belle « prière », aux pianissimos soignés, mais dite comme en dehors du rôle, ne suffisait pas à donner le change. Angelotti passe partout de Wojtek Smilek, une silhouette à la place d’un visage. La palme revenait, comme un peu trop souvent ces derniers temps à l’Opéra de Paris, aux comprimari, le Spoletta venimeux de Christian Jean en tête. Et l’on ne se consolait pas avec l’orchestre très post moderne de Monsieur Luisotti, qui dirige le tout du double trop lent. Pourtant la clarinette rêveuse de E lucevan le stelle rappelait que nos souffleurs sont toujours l’honneur d’une formation capable du meilleur comme du pire. Tentez plutôt l’autre distribution, avec Sylvie Valayre et Marcus Haddock (les 25, 27, 30 octobre, les 2, 5, 11, 16 et 20 novembre).
Jean-Charles Hoffelé
Giacomo Puccini, Tosca, Opéra Bastille le 24 octobre, puis les 26, 27, 29, 30 octobre et les 2, 3, 5, 8, 11, 13, 16, 17 et 20 novembre..
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Photo : Opera de Paris
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