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Paris - Compte-rendu - Werther à l’Opéra Bastille - Le syndrome Schipa


Il y a parfois des spectacles qui ne sont que des décors. Jürgen Rose, qui se charge aussi de la régie et des éclairages, nous fait entrer dans un livre au centre duquel la table d’écriture et de douleur de Werther est vissée au rocher de Sisyphe. Lourde métaphore. Mais l’idée que Werther ne soit que littérature, qu’il ait peut être écrit son destin, inventé sa fable de l’amoureux éconduit, créé lui même sa mort est séduisante.

Ce que le décor suggère, Jurgen Rose ne s’en empare pourtant pas dans sa mise en scène, si anodine, si peu soucieuse de la direction d’acteur, pour tout dire si banale. Les meubles tournent, mais guère les têtes, ni les sentiments, encore moins les âmes. Rien ici ne parvient à toucher.

Werther c’est Rolando Villazon, ou plutôt ce ne devrait pas l’être : français massacré, style improbable, voix gâchée par un passage de plus en plus sonore, instrument trop petit pour le vaisseau de Bastille (et nous n’étions qu’au dix-huitième rang), jeu approximatif qui ne dessine pas le personnage et s’encombre de tous les poncifs d’un mauvais acteur, les mains en avant, les mains au ciel, les yeux roulant, compensant l’absence de focalisation par une suractivité générique : ce pourrait être aussi bien Rodolfo, Otello que Werther.

Ce qui nous rappelle combien les grands ténors latins, italiens ou hispaniques, se sont régulièrement cassé les dents sur Werther : Tito Schipa avait voulu absolument l’incarner et lui aussi le massacra. Seul Alfredo Kraus avait réussit à en pénétrer la vocalité, le style, mais aussi la langue.

Le plateau porté par des francophones exemplaires (sinon la Sophie délicieuse d’Adriana Kucerova) accusait encore ce hiatus terrible : Tézier, Albert compatissant, Vernhes, incroyablement sonore en Bailli, Tréguier et Jean donnant sur leurs vélos des leçons de chant vivantes, tous entouraient la Charlotte élégante de Susan Graham.

Ses lettres furent à pleurer, seules larmes vites envolées d’une soirée où la baguette attentive de Kent Nagano regardait l’orchestre profus de Massenet dans les yeux, trop peut-être, au point que parfois les atmosphères en étaient envolées.

Jean-Charles Hoffelé

Jules Massenet : Werther, Opéra Bastille, le 3 mars, puis les 6, 9, 12, 15, 18, 22, 24 et 26 mars 2009

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Photo : Bernd Uhlig / Opéra national de Paris

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