Dans le superbe Salon de musique du Musée Jacquemart-André, dans le cadre de la saison de concerts « Autour du piano » qui réunit un public toujours aussi nombreux, Paul Badura-Skoda fait son entrée, un verre de champagne à la main, pour célébrer l’anniversaire de Mozart, né précisément un 27 janvier.

La fête commence avec deux pages du divin Amadeo (Fantaisie KV 397 et Rondo KV 511), jouées avec un tact stylistique et une sensibilité à fendre l’âme. On est également confondu par le sens du rythme et de la danse qu’imprime le pianiste à la guirlande de valses de Schubert, dont la légèreté séduit précisément comme du champagne. Avec les ultime Klavierstücke op 119 de Brahms, l’effusion le dispute à la douleur. Badura-Skoda imprime un frémissement de tous les instants par sa lecture à la fois délicate et emportée.

Le Suisse Frank Martin (1890-1974) a peu écrit pour le piano ; ses Huit Préludes (1948) dédiés à Dino Lipatti concluent le récital par un moment d’une rare intensité. L’élan, la virtuosité, l’éclat polyphonique dont fait preuve le soliste (auquel Frank Martin a d’ailleurs dédié en 1969 son Deuxième Concerto pour piano), rendent justice à ce cahier trop méconnu, véritable chef-d’œuvre pour le clavier. En bis, le Rondo KV 485 de Mozart est enlevé avec liberté et humour au second degré par un jeune homme de 85 ans. Badura-Skoda ou l’éternelle jeunesse…

Michel Le Naour

Paris, Musée Jacquemart-André, 27 janvier 2013

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Photo : Boesendorfer