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​Philippe Bianconi au Festival Chopin de l’Orangerie de Bagatelle 2024 – La quintessence d’un art – Compte-rendu

La dernière semaine du 39e Festival Chopin s’est ouverte par un récital d’Arsenii Moon, artiste de 23 ans aux moyens remarquables et à l’imagination foisonnante (ô combien !), mais parfois entravé par cette surabondance d’idées – défaut de jeunesse que le temps permettra à n’en pas douter de corriger. Elle s’est refermée avec Philippe Bianconi, figure majeure du piano français, on ne le redira jamais assez, même si les grandes salles et les saisons d’orchestre de la capitale feignent de l’ignorer. Loin du ronron de certaines programmations, le Festival Chopin a eu la bonne idée d’inviter cet artiste au sommet de art, dont le propos quintessencié, dédaigneux des séductions faciles s’est révélé dans toute sa pudique force au cours d’un programme Chopin, Fauré, Liszt, Ravel d’une cohérence parfaite.

La Barcarolle op. 60 est placée en tête de programme, ce qui n’est pas la position où l’on a l’habitude de la trouver. Et, véritablement, elle ouvre le récital avec une richesse du son, une plénitude harmonique qui soulignent les potentialités d’une réalisation tardive ouverte sur un futur que l’imagination du Polonais devait tant féconder. Ballade op. 19 de Fauré ; on poursuit en fa dièse majeur. Egal bonheur avec une pièce dont Bianconi saisit le foisonnement et enchaîne subtilement les changeantes humeurs, apportant un sentiment improvisé à la musique avec une variété de toucher incroyable. Merveilleux, au sens plein du mot !

Les trois Valses op. 64 sont parmi les plus rabâchées. Tout l’art des grands est de savoir rafraîchir l’écoute de telles pages, par le chic et la simplicité de l’approche (n°1), par l’émotion et la nostalgie que l’expérience des années permet de faire résonner dans la n° 2 (peut-être la plus profonde de toutes les valses de l’auteur) ou par un sens harmonique aiguisé (n° 3).
 

© Festival Chopin à Paris

Les Jeux d’eau à la Villa d’Este comptent aussi parmi les pièces les populaires du piano romantique, mais que tout paraît neuf et éblouissant de génie quand un interprète parvient à métamorphoser à ce point le son en lumière, à abolir la matérialité de l’instrument ... De Liszt à Ravel le chemin est vite parcouru et les Jeux d’eau du Français se révèlent tout aussi magiques, d’une fluidité incroyable que l’on retrouve ensuite dans Une barque sur l’océan, l’un des trois Miroirs choisis par le pianiste avec les Oiseaux tristes, d’une poésie troublante, et l’Alborada, intense et sans le moindre effet de manche. C’est si rare ...

Au moment des bis, la gent pianistique se divise en deux catégories : ceux à qui on ne réclame strictement rien et qui pourtant vous infligent leur collection de morceaux choisis, sans mesurer un seul instant ce que cela peut comporter de prodigieusement agaçant, et ceux qui répondent à la demande pressante de l’auditoire. Elle ne s’est pas fait attendre au terme du récital de Philippe Bianconi : la Valse-Impromptu de Liszt et le Nocturne op. 27 n° 1 de Chopin sont venus ajouter au bonheur d’un public comblé.

Heureux ceux qui auront la possibilité de trouver l’interprète dans les jours et les semaines qui viennent à Flaysosc, La Côte-Saint André, San Sebastian, Caunes-Minervois et au Festival Piano aux Jacobins de Toulouse (1)
 

Alain Cochard
 

Voir les prochains concerts de piano à Paris et RP

Paris, Orangerie du Parc de Bagatelle – 7 juillet 2024

(1) Agenda des concerts de Philippe Bianconi : www.philippebianconi.com/concerts/
 
Photo © Festival Chopin à Paris

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