Journal
Phryné de Saint-Saëns en version de concert à l’Opéra de Rouen – Un petit chef-d’œuvre pince-sans-rire – Compte-rendu
Mise en route en 1892, la composition de ce bref ouvrage en deux actes procura « un plaisir infini » au musicien comme il le confiait au tout début de janvier 1893 depuis son séjour algérois à Lucien Augé de Lassus, le librettiste. Prêt quelques semaines plus tard, Phryné fut créé avec grand succès à l’Opéra-Comique le 24 mars 1893. Sybil Anderson, qui tenait le rôle-titre, ne fut évidemment pas pour rien dans cet accueil mais, par-delà la présence d’une interprète qui fascinait l’auditoire tant sur le plan vocal que « plastique », c’est d’abord la qualité musicale, la finesse d’écriture de la partition et sa profonde fluidité qui emportèrent l’adhésion.
Sous un prétexte antique (l’argument se situe à Athènes, au IIIe siècle avant J.C.) – et un argument certes très mince – , un Saint-Saëns heureux nous livre un petit chef-d’œuvre pince-sans-rire ; sous des apparences classiques et sérieuses, il déploie des trésors de malice et d’humour. Rien d’étonnant à ce qu’Hervé Niquet (photo) ait jeté son dévolu sur une partition qu’il a enregistrée en mars dernier (pour la série Opéra Français du PBZ) à l’Opéra de Rouen, où on le retrouvait pour une version de concert, sorte de supplément au Festival Palazzetto Bru Zane à Paris - une Phryné présentée dans sa mouture de 1896 avec les récitatifs d’André Messager.
A la tête des musiciens de l’Opéra de Rouen Normandie, Niquet est comme un poisson dans l’eau ; la partition n’a plus de secret pour lui et il l’explore avec une gourmandise et une vitalité qui font plaisir à entendre – et à voir – et rendent impatient de la sortie de l’enregistrement courant 2022.
D’autant que la distribution réunie pour le retour de Phryné mérite bien des éloges. Florie Valiquette – désormais très présente dans les projets du PBZ, ce dont on se félicite – aborde le rôle-titre avec autant de charme que d’aisance vocale et sur un ton parfaitement accordé à l’esprit pince-sans-rire de la musique. A ses côtés, Cyrille Dubois offre un Nicias admirable d’engagement et d’élégance, touchant et drôle. L’oncle Dicéphile revient à Thomas Dolié dont le beau baryton sait exploiter le potentiel d’un personnage fat, engoncé dans ses principes et sa pudibonderie – dont les regards fripons de Phryné auront in fine raison ...
Dans les rôles secondaires, on ne peut que saluer Anaïs Constant pour son beau Lampito, tout comme François Rougier (Cynalopex) et Patrick Bolleire (Agoragine, Le Héraut), savoureux l’un et l’autre.
Disposé en arc de cercle face à la scène, dans le dos du chef, à l’emplacement des premiers rangs de fauteuils d’orchestre, le Chœur du Concert Spirituel montre à chacune de ses inventions un engagement et une précision irréprochables et contribue, comme toute l’équipe, au très chaleureux accueil réservé par l’auditoire à la renaissance de Phryné.
Alain Cochard
Photo © Marie Pétry
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