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Pierre Gallon et Matthieu Boutineau à la Salle Cortot – Couperin nostalgique et secret – Compte-rendu
Lumière tamisée, atmosphère intimiste : cadre idéal que celui offert par la salle Cortot pour le concert à deux clavecins que Pierre Gallon et Matthieu Boutineau donnent à l’occasion de la sortie (chez Harmonia Mundi) de leur superbe album « Concert royaux ». Artiste inventif (actif en soliste aussi bien que dans des ensembles tels que Pygmalion), débordant d’idées, inventeur de programmes originaux, Pierre Gallon a entrepris avec Mathieu Boutineau d’arranger pour deux clavecins les quatre Concerts Royaux de François Couperin. Des œuvres datées de 1714-1715 qui furent données devant un roi parvenu au soir de son règne et un public aussi réduit que choisi, dans le cadre de petits concerts de chambre.
On a l’habitude d’entendre ces ouvrages avec un clavecin entouré de divers instruments mélodiques (le compositeur laissait le choix aux interprètes quant à l'effectif), mais on sait aussi que l’artiste affectionnait le deux-clavecins et le pratiqua « avec une réussite très heureuse » pour ses Apothéoses. Pierre Gallon et Mathieu Boutineau ont décidé d’aborder les Concerts Royaux à travers ce prisme (un théorbe ou une guitare, tenus par Thibault Roussel, intervenant opportunément pour quelques pièces dans l’enregistrement.) (1)
Plus de violon, de hautbois, de flûte, de basson, ni de viole ? Certes, pourtant pas un seul instant on ne songe à parler d’appauvrissement face à ce que les deux clavecinistes nous donnent à entendre, avec une précision et une cohésion parfaites. C’est bien plutôt d’un approfondissement poétique qu’il s’agit. Le roi bientôt mourra, s’il reste encore presque une vingtaine d’années à vivre à Couperin (1668-1733), il est déjà bien avancé dans une vie et une carrière commencées ... dans l’autre siècle.
Pierre Gallon (à dr. ) et Matthieu Boutineau
Tempus fugit ... Une intense nostalgie baigne le Couperin du duo Gallon-Boutineau. A chaque Concert, le prélude nous embarque dans une sorte de voyage dans le passé (celui du 4e Concert est sans doute le plus admirable), emplis de souvenirs tendres (les Echos conclusifs du 2e Concert, la magique Sarabande, pareille à un ciel étoilé, du 4e Concert), majestueux (Sarabande du 1er Concert), bucoliques (Musette du 3e Concert), d’autant plus prenants qu’ils contrastent avec la vitalité que les deux interprètes, mus par un grand sens des caractères, impriment aux pages les plus animées, telles que la scintillante Gavotte du 1er Concert, l’Air contrefugué de 2e Concert, d’une « santé » et d’une lisibilité parfaites, ou la radieuse Forlane en rondeau qui clôt le 4e Concert.
Auditoire sous le charme et Bach en bis pour refermer une soirée d’une poésie rare et secrète.
Alain Cochard
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(1) 1 CD Harmonia Mundi / HMM 902725
Paris, Salle Cortot, 31 mai 2024
Photo © Mk9 Productions
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