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Récital d’Alketa Cela à Paris – Fins-de-siècle, Arts Nouveaux – Compte-rendu
Si étonnant que cela puisse paraître, il existe encore aujourd’hui des particuliers qui accueillent des concerts dans leur salon, comme cela se pratiquait jadis dans les milieux les plus huppés. Depuis 2017, les Nocturnes de Laude proposent ainsi, plusieurs soirs par mois, d’écouter de la musique de chambre dans des conditions de proximité sans rapport avec la distance inévitable dans les salles de concert. La programmation est riche et diverse, et si les duos, trios ou quatuors d’instruments y figurent généralement en bonne place, la voix a également droit de cité. En ce 22 novembre, la pianiste Ariane Jacob et la soprano Alketa Cela se partageaient l’affiche.
D’origine albanaise, la soprano a fait partie de la troupe de l’Opéra de Lyon du temps où Jean-Pierre Brossmann en était le directeur. Elle fut alors Suzanne et Pamina, ou encore la Princesse de L’Enfant et les sortilèges. On a ensuite pu l’applaudir en Micaëla ou en Liù sur plusieurs scènes françaises, après quoi elle a abordé de grands rôles comme Butterfly ou Traviata au Teatr Wielki de Varsovie ou à l’Opéra national de Tirana. Le programme du récital reflète d’ailleurs en partie ce répertoire, mais il semble surtout articulé autour de la Belle Epoque, avec des œuvres composées dans les années 1890-1900, où l’on croit plus d’une fois entendre comme un équivalent des lignes souples chères aux créateurs de l’Art Nouveau – Jugendstil en allemand, Liberty en italien, puisque ce sont les trois langues que l’on entend au cours de ce concert.
© Oxana Semenova
La soprano ne se ménage pas puisque la soirée s’ouvre sur le lied de Mignon, « Kennst du das Land » dans la version qu’en composa Hugo Wolf, et l’on remarque d’emblée le dramatisme marqué que la chanteuse imprime à son interprétation. Vient ensuite la plus opulente, peut-être la plus intense des mélodies de Duparc, « Phidylé ». Et cette première salve se conclut avec l’air de Louise, parfait exemple de ce post-wagnérisme Art Nouveau, le chef-d’œuvre de Gustave Charpentier ayant été créé en 1900. Introduisant une respiration instrumentale, la pianiste Ariane Jacob – qui fut cheffe de chant à l’Opéra de Lyon, où elle rencontra Alketa Cela – propose deux morceaux au rythme affirmé, la Danse païenne de Cécile Chaminade, dont le paganisme tient surtout à sa joyeuse sauvagerie, et la toujours stupéfiante Bourrée fantasque de Chabrier.
Alketa Cela revient ensuite pour un bouquet de mélodies rapprochant Debussy et Richard Strauss. On a perdu l’habitude d’entendre les Ariettes oubliées données par une voix aussi ample, et c’est dommage. Chez Strauss, la puissance de la soprano étonne moins, et l’on comprend aussitôt à quel point cette musique lui convient bien, les célèbres « Zueignung » et « Cäcilie » encadrant une pièce moins fréquemment programmée, « Epheu », extraite des Mädchenblumen.
Nouvelle pause pianistique, pour laquelle Ariane Jacob a choisi de nous entraîner vers une autre fin de siècle, plus proche de nous, avec quatre numéros tirés des vingt-quatre Ephémères composées en 1999 par Philippe Hersant d’après des haïkus. Forcément brèves (à peine trente secondes, parfois), compte tenu de leur inspiration qui se borne à dix-sept syllabes, ces pièces n’en sont pas moins évocatrices. Beaucoup plus développée, car dépassant les trois minutes, « La Voie lactée » et ses harmonies tumultueuses offre une transition toute trouvée avec la « mer calmée » que chante Butterfly dans le Japon plus Art Nouveau de Puccini. On sent qu’Alketa Cela s’appuie ici sur son expérience de la scène, et c’est encore plus net lorsqu’elle ose la scène finale, « Tu, tu, piccolo iddio », choix plus audacieux en récital. Elle conclut avec le « Vissi d’arte » de Tosca.
Le public ayant décidé que le concert ne devait pas se terminer ainsi, les deux artistes reprendront « Zueignung » en guise de bis.
Laurent Bury
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Vendredi 22 novembre, 2024, Paris 14e
Photo © Oxana Semenova
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