Le moment de l’ouverture du Festival de Prades approche. Une édition à forte dimension symbolique pour Pierre Bleuse (photo), qui tient depuis depuis trois ans les rênes de la manifestation catalane. 2023 marque en effet le 50e anniversaire de la mort de Pablo Casals ; « une année importante, souligne le directeur artistique, où je souhaite à la fois poursuivre dans mon ambition de remettre le Festival de Prades au premier rang des grands événements internationaux, de fidéliser aussi quelques artistes pour bâtir avec le public une relation pérenne, et célébrer cet anniversaire, cet héritage de Casals sans reproduire des choses qui ont pu exister dans le passé."
 

Julie Sévilla-Fraysse © DR 

« Reste qu’il était rigoureusement impossible d’imaginer une édition anniversaire sans une forte présence de Bach, poursuit Pierre Bleuse. De façon symbolique, le festival s’ouvrira au Mémorial de Rivesaltes avec un programme pour violoncelle seul confié à une instrumentiste que je trouve extraordinaire : Julie Sévilla-Fraysse. Elle faisait partie de l’Orchestre de l’Opéra de Paris et s’est lancée dans une carrière de soliste, avec un talent que j’ai souhaité mettre en avant lors de ce concert d’avant-première en hommage à Casals. »
 
Bach, Brahms et Beethoven
 
Bach, que l’on retrouvera dans d’autres programmes du Festival, tout comme deux compositeurs chers au légendaire violoncelliste et chef catalan : Brahms et Beethoven. Choix significatif, le Double Concerto de Brahms trouve place, au côté de sa 4e Symphonie lors du concert inaugural donné par l’Orchestre du Festival le 29 juillet. Une ouverture à laquelle répondra la soirée de clôture du 8 août, occupée par les Symphonies nos 3 et 4 de Beethoven : un « symbole d’humanisme » que Pierre Bleuse s’impatiente de diriger à la tête « de jeunes instrumentistes venus de toute l’Europe qui, quinze jours durant, vont vivre totalement immergés dans la musique ».
 

L'Orchestre du Festival © HArgence
 
Formule renouvelée

 « L’Orchestre est l’âme du Festival, sa colonne vertébrale, souligne le directeur artistique ; il est identifié ainsi et l’on s’en aperçoit clairement au moment de l’ouverture des réservations. » Un orchestre constitué de jeunes artistes venus de toute l’Europe qui pourront compter, une fois de plus, sur les conseils d’aînés particulièrement expérimentés. Après deux années avec le Quatuor Dutilleux et le Quintette Klarthe, la formule change cette année. « Ce sont deux formations que j’adore et qui reviendront, explique Pierre Bleuse, mais j’ai la volonté de ne pas créer de bande. J’ai donc opté pour une solution différente cette fois en faisant appel à de grands musiciens issus d’orchestres et de pays différents : Vicens Prats, flûte solo de l’Orchestre de Paris, Hervé Joulain, cor solo de l’Orchestre National, Philippe Grauvogel, hautbois solo de l’Intercontemporain, Estelle Richard, basson solo de l’Orchestre du Capitole, Jonas Lyskjær Frølund, formidable clarinette solo du Danish Chamber Orchestra, Ivy Wong, contrebassiste à l’Orchestre de la Suisse Romande, et d’autres encore seront présents sur toute la durée du festival et encadreront leurs jeunes collègues »
 

La violoncelliste Julia Hagen © NedaNavaee
 
Tremplin pour la jeunesse
 
Si l’attention portée à l’Orchestre témoigne de la place que Pierre Bleuse lui accorde dans la « solidification » de son projet initial pour Prades, le désir que manifeste le Festival de tendre la main à toute une nouvelle génération de musiciens talentueux mérite d’être souligné – et salué. Il s’affirme d’emblée avec le Double Concerto de Brahms, partagé entre Renaud Capuçon et Julia Hagen, jeune violoncelliste autrichienne née en 1995. Ce geste d’un aîné envers une cadette s’illustre aussi avec le retour de l’Allemand Daniel Müller-Schott, magnifique interprète du Concerto pour violoncelle de Dvorak l’an dernier, qui se produit cette fois dans un très beau programme germanique accompagné par Nathalia Milstein, « merveilleuse pianiste dont je suis le parcours depuis longtemps, confie Pierre Bleuse ».
Le concert du duo Müller-Schott Milstein offre un bon exemple des rencontres spécifiques à Prades que le directeur artistique aime à susciter, un autre étant fourni par la rencontre inédite de trois artistes bien connus : Veronika Eberle, Antoine Tamestit et Sol Gabetta. Un trio de talents –  et de Stradivarius ! – très attendu dans des pages de Beethoven, Dohnanyi, Bach et Kurtag.
Le violoncelle, est tout naturellement gâté en cette année du cinquantenaire Casals : une illustration supplémentaire en est offerte avec la venue d’Astrig Siranossian – l’un ces « talents émergents » que Pierre Bleuse « juge important de soutenir » – dont le programme mêlera Ligeti, Kodaly, Bach et le chant arménien. Le visage de la jeunesse sera aussi celui de Théotime Langlois de Swarte, artiste d’origine perpignanaise qu’on ne présente plus et qui, de passage à Prades avec l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles, partagera l’affiche avec les archets de Leonor de Lera et Ludmila Piestrak dans un programme tout Bach.
 

La chanteuse et compositrice Sofia Avramidou © DR
 
De la chanson traditionnelle à la création
 
Passionné de création contemporaine – il prend rappelons-le la direction musicale de l’Ensemble intercontemporain à la rentrée prochaine –, Pierre Bleuse n’a pas omis de lui faire place dans l’édition 2023, en la faisant rimer avec jeunesse en la personne de la Grecque Sofia Avramidou. Une singulière artiste venue de la chanson traditionnelle, dont le directeur musical a conduit avec bonheur une création à la tête du Lemanic Modern Ensemble à Genève l’an dernier. Conquis par son talent, il l’a conviée pour une création inspirée de chants traditionnels grecs, confiée à la voix de la compositrice et à la contrebasse de Nicolas Crosse, soliste de l’Ensemble intercontemporain. Une œuvre à découvrir à la Grotte des Canalettes, accompagnée d’une vidéo de Thomas Pénanquer – un projet bâti en coproduction avec une structure perpignanaise : le Labo Flashback.
 
Altiste et ... chanteuse RnB !
 
Une voix pour un répertoire autre que le classique ? Pierre Bleuse en a découvert une l’an passé dans l’Orchestre du Festival en la personne de Nina Tonji, merveilleuse altiste mais aussi ... remarquable chanteuse RnB ! Elle reprend sa place au sein de la phalange cette année, mais est aussi invitée dans le cadre du « Club » au Parc de l’Hôtel de Ville, lieu où se produiront par ailleurs Yamandu Costa et Vincent Peirani ou encore le Samuel Strouk Quartet.

 

Le Quatuor Ebène © Julien Mignot
 
Jeunes Talents & Friends
 
Tous le membres de l’Orchestre ne sont pas chanteurs et c’est évidemment d’abord pour leurs qualités d’instrumentistes qu’ils prennent part au festival en dehors des soirées symphoniques. Du 31 juillet au 5 août, la série Jeunes Talents & Friends permet de les retrouver dans des programmes chambristes. Outre les églises des environs de Prades chaque jour à 11h, certains de ces jeunes musiciens prendront part à une soirée à l’Abbaye Saint-Michel de Cuxa dans des pages de Boccherini et Schubert. Belle preuve de la place accordée aux nouveaux talents qu’un concert en un lieu et à un horaire (19h30) où l’on trouve par ailleurs le Quatuor Ebène ou Bertrand Chamayou.
On n’oublie pas enfin que Cyprien Sadek continue d’œuvrer à la tête de la Maîtrise St-Joseph de Prades : les fruits de leur travail s’offriront au public lors de deux concerts, le 6 août, dont un avec le Chœur Altitude dans des pages de Bach et Casals.
 
Alain Cochard

Festival de Prades
Du 28 juillet au 8 août 2023
Programmation détaillée : prades-festival-casals.com/programme-2023/
 
 
Photo Pierre Bleuse © Julia Severinsen