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Rencontre avec Victor Julien-Laferrière, violoncelliste et chef, fondateur de l’Orchestre Consuelo – 1, 2 & 4 : l’aventure Beethoven commence !
Nous le connaissions à l’archet ; non content de se ranger parmi les plus grands violoncellistes de sa génération, Victor Julien-Laferrière révèle depuis quelque temps un remarquable talent de chef. Clin d’œil à l’héroïne de George Sand, il a fondé en 2019 l’Orchestre Consuelo, un phalange rassemblant des musiciens solistes ou chambristes désireux aborder le répertoire symphonique et, d’autre part, des musiciens membres de grandes formations françaises ou européennes, en quête d’une autre expérience de l’orchestre.
2023 marque une étape essentielle dans l’envol du chef et de sa formation. Après la sortie d’une très belle version des deux rares sérénades de Johannes Brahms chez Mirare en janvier, Victor Julien-Laferrière et ses musiciens sont très présents dans le paysage festivalier de l’été. Après deux soirées (13 et 14 août) au Festival de la Roque d’Anthéron autour des deux concertos pour piano de Brahms, avec respectivement Adam Laloum et Marie-Ange Nguci, et une halte au Festival du Comminges (20 août), ils sont attendus au 57e Festival de la Chaise-Dieu (22 & 23 août). Directeur général de la manifestation depuis un peu plus d’un an, Boris Bianco a fait le pari de la jeunesse et de l’avenir en confiant à l’Orchestre Consuelo et son chef une intégrale des neuf symphonies de Beethoven répartie sur quatre ans. L’entreprise culminera en 2026, avec la 9e Symphonie dans le cadre de la 60e édition du festival. Pour l’heure l’aventure commence avec les Symphonies nos 1, 2 et 4 ... Concertclassic en a profité pour interroger un chef que l'on aura le plaisir de retrouver le 7 octobre aux Rencontres musicales de Clermont (Oise), le 8 octobre à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées et, enfin, toujours dans la salle de l'avenue Montaigne, le 8 décembre, pour une soirée Mozart avec le clarinettiste Pierre Génisson.
Victor Julien Laferrière et l'Orchestre Consuelo © Jean-Baptiste Millot
Ces trois symphonies de Beethoven, que vous allez diriger à la Chaise-Dieu, constituent donc le début d’une intégrale ...
Boris Bianco, le nouveau directeur général du festival, nous a proposé de donner les 9 symphonies dans le cadre d’une résidence qui se tiendra sur quatre années. Nous avons choisi de commencer par les deux premières, l’ordre chronologique pemettant de voir avec le plus de netteté l’évolution stylistique du compositeur. Mais le paramètre du nombre de musiciens sollicités par les œuvres intervient également. Pour les trois symphonies que nous abordons cette année, l’Orchestre Consuelo comprend une quarantaine de musiciens. Bien sûr, lorsque nous parviendrons à la Neuvième Symphonie l’effectif s’étoffera, mais ne comprendra pas tellement plus de musiciens. Savez-vous que dès l’époque de Beethoven la riche instrumentation de ces symphonies fut critiquée, certains parlant même à propos de la Première Symphonie d’une musique pour instruments à vent ?
A propos de cette symphonie, justement, y voyez un héritage purement haydnien ?
J’ai du mal à raisonner en ces termes. Le rapport entre Haydn et le Beethoven des premières symphonies est permanent. Mais selon moi, cette influence peut parfois être plus superficielle que le désir profond qui a poussé Beethoven à écrire des symphonies.
Pendant l'enregistrement des sérénades de Brahms l'Auditorium Cœur de Ville de Vincennes en 2022 © Jean-Baptiste Millot
Durant vos années d’études, vous avez joué dans des orchestres de jeunes ?
Oui, et j’ai adoré ça ! Je me souviens en particulier de magnifiques projets au sein de l’Orchestre des Jeunes de l’Union Européenne. Cela m’a d’autant plus marqué que j’ai par exemple travaillé sous la direction de Bernard Haitink, ou encore de John Eliot Gardiner. Et puis j’ai participé durant plusieurs années à l’Académie de quatuor à cordes de Seiji Ozawa. J’ai commencé tout cela à l’orée de mes 15 ans. Seiji Ozawa est un chef dégageant un magnétisme naturel. Et il fait preuve d’une grande compréhension des musiciens ; durant son Académie, il avait autant la volonté d’apprendre que ses étudiants ...
Quant à Bernard Haitink, c’était également un très grand chef, d’une très grande humilité. Un des rares que j’ai vu s’excuser ! Après une répétition, il nous avait félicités, tout en soulignant qu’il y avait des erreurs à corriger. Le lendemain, il nous a dit qu’il était à l’origine de ces erreurs ! Et ce n’était pas une fausse humilité. En ce qui concerne John Eliot Gardiner, j’ai pu admirer la force de ses idées. Pour ce qui est de « ses » symphonies de Beethoven, qu’il a été un des premiers à enregistrer sur instruments d’époque, elles sont parmi mes versions préférées.
Quand on aborde les symphonies de Beethoven, justement, n’y a-t-il pas un poids trop écrasant des interprétations du passé ?
C’est un problème auquel on est confronté très tôt, et pas uniquement pour ce qui concerne Beethoven ! Je me suis posé cette question dès que j’ai abordé les Suites de Bach pour violoncelle seul. J’entendais mes professeurs s’interrogeant, me demandant si je n’étais pas trop jeune pour aborder un tel répertoire. Et quand j’ai étudié le Trio « L’Archiduc » avec deux camarades du conservatoire, l’un de nos professeurs nous a trouvé présomptueux … avant de se raviser en considérant qu’après tout, il convenait de se confronter très tôt à un tel chef-d’œuvre. Ce sont, de toute façon, des œuvres qui nous accompagnent toute notre vie ; autant les « affronter » très jeune.
Je me suis posé les mêmes questions durant mes années au sein de l’Académie Seiji Ozawa. Que penser lorsqu’on aborde à 17 ans le Quatuor op. 132 de Beethoven ? En même temps, n’est ce pas nécessaire ?
Faisons un détour par Brahms, dont vous avez enregistré, à la tête de « votre » Orchestre, Consuelo, les deux sérénades pour Mirare. Pourquoi ce choix pour votre premier disque en tant que chef ?
Nous voulions commencer par des œuvres d’esprit chambriste. Ce sont de surcroît deux chefs-d’œuvre de Brahms, moins joués que ses symphonies, des œuvres un peu délaissées. Avec des orchestrations assez singulières, la 2e Sérénade en particulier, d’où les violons sont absents. Ce sont des œuvres très personnelles de Brahms, moins populaires que d’autres.
© Jean-Baptiste Millot
Pour revenir à Beethoven, en tant que violoncelliste vous jouez bien sûr ses cinq sonates ?
Ce sont des œuvres qui m’accompagnent depuis toujours. Cette expérience aide, naturellement, pour diriger ses symphonies. Mais également l’expérience que j’ai pu acquérir en jouant certains quatuors de Beethoven, à l’Académie Ozawa, ou au sein de quatuors, formation que j’ai pratiquée durant mes années d’étude. J’ai même tenté de former des quatuors à cordes, mais finalement je n’ai jamais fait partie d’un quatuor constitué.
Parlez nous de votre résidence Beethoven au Festival de la Chaise Dieu. Quatre années en compagnie des neuf symphonies. Les écoutez vous beaucoup au disque ?
Je les ai tellement écoutées, très jeune, que je le fais moins aujourd’hui. J’écoute, du reste, très peu, les musiques que j’interprète. J’écoute parfois des extraits de symphonies dans des interprétations très marquées, quand je me confronte à tel ou tel détail et que je cherche des solutions.
© Roderik Kucavik
Et la 2e Symphonie, pourquoi est-elle moins jouée que les huit autres ?
Effectivement, pour des raisons que j’ignore, elle est moins aimée, comme par exemple le 2ème Quatuor. Toutes les symphonies sont très difficiles à interpréter, donc si celle-là l’est également, ce n’est pas suffisant pour expliquer cette – relative ! – désaffection. De plus, il est passionnant de la mettre en regard de la 1ère Symphonie ; on découvre beaucoup de correspondances que je trouve fascinantes.
A la Chaise-Dieu, le 22 août, vous dirigerez la 4ème Symphonie de Beethoven, et jouerez-dirigerez le Concerto pour violoncelle de Robert Schumann …
J’ai bien sûr beaucoup joué ce concerto, et l’un de mes meilleurs souvenirs demeure un concert dirigé par Joshua Weilerstein. Je l’ai aussi donné sans chef ; c’est un concerto qui « fonctionne » très bien de cette manière. L’orchestre est moins fourni que pour d’autres concertos, celui de Dvořák par exemple. La partie soliste est certes très difficile, et écrite d’une manière qui n’est pas « violoncellistique », un aspect qui n’intéressait pas Schumann, un peu à l’instar de Beethoven écrivant pour le piano. Mais malgré cette difficulté, le fait de jouer sans chef permet un plus grand équilibre avec l’orchestre, et parfois le premier violon, dans certains passages, prend la place de chef … Quant à la 4ème Symphonie de Beethoven, elle est parfaite du début à la fin. C’est une symphonie qui parle directement à l’auditoire, et en même temps Beethoven semble l'avoir écrite pour élever le public.
Propos recueillis par Frédéric Hutman le 9 juin 2023
Victor Julien-Laferrière et l’Orchestre Consuelo
www.orchestreconsuelo.com/
Festival de La Chaise-Dieu
22 et 23 août 2023
www.chaise-dieu.com/programmation/integrale-beethoven-1/
www.chaise-dieu.com/programmation/integrale-beethoven-2/
Festival de la Roque d’Anthéron
13 et 14 août 2023
www.festival-piano.com/fpr_spectacle/23-08-13-20h-parc-laloum/
www.festival-piano.com/fpr_spectacle/23-08-14-21h-parc-nguci/
Festival du Comminges
20 août 2023
www.festival-du-comminges.com/5913-2/
Photo © Jean-Baptiste Millot
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