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Requiem de chambre
Soyons honnêtes : bien peu de gens connaissent Herr Peter Lichtenthal, né dans le dernier quart du XVIIIe siècle et ami d’un des fils de Mozart. On doit pourtant à ce médecin passionné de musique une œuvre pie, qui surprend nos oreilles gavées de fastes symphoniques depuis deux siècles, la transcription pour quatuor à cordes du Requiem de Mozart, aujourd’hui mise à jour et au jour par le Quatuor Debussy. On sait que tout le XIXe siècle dut réduire et transposer l’abondance de la production opératique et symphonique pour lui assurer une survie, disons, privée, au cœur des familles de mélomanes. Nécessité devenue jeu à la mode aujourd’hui, pour le plaisir d’instrumentistes désireux d’élargir leur répertoire, et pratiquée souvent à tort et à travers, si bien que les œuvres y perdent de leur impact. Rien de tel avec l’étonnante aventure que nous fait partager le Quatuor Debussy, parti à la rencontre il y a deux ans de la version de Lichtenthal, retrouvée à la Bibliothèque du Conservatoire de Milan.
« La transcription, dit Christophe Collette (1er violon), a été faite avec beaucoup de finesse, en supprimant ce qui était doublé pour l’orchestre, et permet de mieux saisir les subtilités harmoniques ». Approfondissant le travail du transcripteur, le Quatuor Debussy l’a pour sa part, assoupli et enrichi, rétablissant notamment dans l’Hostias le continuo orignal que Lichtenthal avait supprimé. De l’épure initiale, on en arrive ainsi à un équilibre tendu, où aucun effet ne vient détourner de la méditation et du recueillement. Le sens ne s’en révèle que mieux. D’abord surprise, l’oreille se coule dans une merveille de ciselure, d’émotion pudique, qui tient en équilibre entre trop de romantisme et trop de vertu classique. On est aux portes du silence et du Grand Mystère avec cette douleur intime qu’exalte l’imbrication des quatre instruments, chacun chargé d’un fort message. Et l’on songe bien évidemment aux Sept dernières paroles du Christ en croix de Haydn, qui ont fait l’objet elles aussi d’une adaptation pour quatuor à cordes.
Depuis 18 ans, les quatre mousquetaires que sont Christophe Collette, Dorian Lamotte, Vincent Deprecq et Alain Brunier, lancés au concours d’Evian en 1993, et forts d’une discographie remarquable (notamment avec l’intégrale des Quatuors à cordes de Chostakovitch), donnent ici une superbe preuve de la subtilité de leur recherche en un CD(1) qui pourrait bien devenir culte. On va pouvoir en juger sur le vif grâce à leur prochain concert parisien.
Jacqueline Thuilleux
(1) Decca/Universal
Théâtre de l’Atelier. Le 6 avril à 20h30
Photo : DR
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