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Requiem de Henze par l’Ensemble Intercontemporain – Retour éclatant – Compte-rendu

 Hans Werner Henze (1926-2012) a composé son Requiem vers la fin de sa carrière. Son écriture s’étale sur trois ans, de 1990 à 1992, avec la création successive dans la foulée des différents mouvements qui le constituent. Si ses neuf parties se conforment au découpage de la Messe des Morts telle que le stipule la tradition liturgique, pour autant l’œuvre se distingue, qui ne fait pas appel à des voix ni au texte de la messe. Un Requiem pour instruments, en l’espèce un grand orchestre de chambre associé aux interventions concertantes d’un piano et d’une trompette.
 
L’œuvre se veut en mémoire de Michael Vyner, directeur du London Sinfonietta, qui venait de disparaître. Mais elle entend aussi porter un message philosophique, sinon politique (à l’époque de la Guerre du Golfe), « qui parle des peurs et des peines des hommes de ce temps ». Elle prend aussi la forme d’un concerto, pour piano pour six des parties, et pour trompette pour les trois autres. Le tout sur un tissus orchestral raffiné ou emporté, pour une œuvre étonnante : dense, étrange, qui mêle dodécaphonisme élargi (où se reconnaît le disciple de René Leibowitz) à des consonances et citations classiques. L’étrangeté, par ces temps de sérialisme (et d’exclusive contre Henze de la part d’un Boulez), constituant assurément une forme de vertu !

Sébastien Vichard (piano), Clément Saunier (trompette) et les musiciens de l'Intercontemporain © EIC
 
Ce qui explique aussi que l’ouvrage soit resté rare. Il n’avait été donné précédemment à Paris que par deux fois, à Radio France et par (déjà) l’Intercontemporain. Il est vrai qu’il réclame des interprètes assurés dans la virtuosité complexe de ses entrelacs polyphoniques. Contrat rempli, pour ce concert de l’Ensemble Intercontemporain à la Cité de la Musique ! Entre volupté (Introitus), véhémence (Rex tremendae, seul mouvement par ailleurs quelque peu bavard), hédonisme (Agnus Dei, pour piano et cordes), tempête (Tuba mirum), orage (Lacrimosa) et apaisement (Sanctus final), la quarantaine d’instrumentistes livre une lecture à la fois profonde et délicate. La direction attentive autant qu’athlétique de Matthias Pintscher y est pour beaucoup, où l’on sent la connaissance et la reconnaissance de cette musique par l’actuel directeur artistique de l’Intercontemporain. Sébastien Vichard (remplaçant de dernière minute de Dimitri Vassilakis) apporte la couleur déliée d’un piano impressionniste. Alors que Clément Saunier lance sa trompette lumineuse, d’une clarté biblique (adjointe de deux trompettes réparties dans l’espace pour le mouvement final – écho du Requiem de Berlioz ?). Dans l’écrin on ne peut plus acoustiquement présent de la salle des concerts de la Cité de la musique. Un retour éclatant !
 
Pierre-René Serna

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Paris, Cité de la musique, salle des concerts, 16 février 2018.

Photo © mattiaspintcher.com

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