Journal
Révélateurs - Yutaka Sado et Bertrand Chamayou à l’Orchestre de Paris
DERNIERE MINUTE : Dans l'impossibilité de rentrer de Tokyo, Yutaka Sado sera remplacé par Michel Tabachnik pour les concerts des 21 et 22 avril ( programmes inchangés)
Programme généreux, dont l’abondance même vaudrait par avance une révérence : d’abord tout un Festival Satie avec ce qu’il a composé de plus ambitieux (et de plus désinvolte aussi, voire de plus secrètement inaccessible derrière le décor, aussi brillant soit-il) : le pétard mouillé de Parade, formidable orchestre écrit si l’on peut dire dans le surréalisme (et en musique le seul exemple probant du genre) pour un ballet avec machine à écrire et klaxon qui n’en est pas un, mais plutôt un incroyable pied de nez à toute l’histoire de la musique.
Mais aussi le plus sec Jack in the Box, et les Gymnopédies où Debussy a glissé sa plume d’orchestrateur, mouillant les lignes graphiques de Satie, élargissant et adoucissant le propos, le faisant passer de l’épure au rêve.
Puis un autre geste humoristique et déconcertant, la Burlesque de Richard Strauss où le piano égrène dès son entrée un éclat de rire en cascade et où l’orchestre joue à part, presque sur son quant à soi ; formidable anti-concerto, brillant dialogue impossible où chacun se sent seul mais libre, à l’écriture rhapsodique qui mine de rien se souvient des Concertos de Liszt et plus encore de sa Fantaisie ou de sa Totentanz, le tout emballé dans un apprêt très baroque, où l’ironie le dispute à d’improbable pas de deux.
Il y faut un sacré pianiste, longtemps Claudio Arrau qui connaissait tout fut le seul à défendre mordicus une partition que ses confrères regardaient au mieux comme une curiosité. D’autres s’y sont mis ensuite, Byron Janis, Martha Argerich, plus proche de nous un flamboyant Jean-Yves Thibaudet, et aujourd’hui Bertrand Chamayou n’a pas peur de relever le défi. On l’y espère inspiré et téméraire comme il sait l’être.
Et puis, Le Sacre du Printemps, qui en quelque sorte a réglé le XXe Siècle sur ses principes : une manière de mettre en miroir la vérité implacable du temps assénée par le Russe et les essais de fuite que Satie ou Strauss auront tentés, vainement bien sûr. Le Sacre qui en seconde partie viendra tuer l’humour, redire simplement le drame primordial, réintroduira aussi le sacré par son rituel implacable.
Programme ambigu, éclaté, contradictoire, paradoxal, bien dans la veine de pensée depuis toujours prônée par Yutaka Sado, baguette libre et curieuse qui année après année a conquis sa place au sein de la vie musicale parisienne. Que ce concert réussisse, et qu’il étende encore son empire car les vrais musiciens comme lui, avec en plus des idées, non, décidément, cela ne court par les rues.
Jean-Charles Hoffelé
Orchestre de Paris, dir. Yutaka Sado
Bertrand Chamayou, piano
Paris, Salle Pleyel
21 avril 2010 – 20 h
A noter : les mêmes, au même endroit, interpréteront deux fois le Sacre du Printemps le Jeudi 22 avril, à 11h, puis à 13h, dans le cadre de la série pédagogique « Concert en famille ».
> Programme détaillé et réservations de la Salle Pleyel
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Photo : DR
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