Journal
Roberto Devereux au Teatro Real de Madrid - Fête du chant - Compte-rendu
La nouvelle saison du Teatro Real s’ouvre avec Roberto Devereux. Un Donizetti qui n’est pas si fréquent sur nos scènes lyriques, et qui ne déchoit pas face à d’autres opéras plus célébrés du musicien de Bergame (et justement reconnus, comme Lucia di Lammermoor). Avec des mélodies inspirées et des ensembles bien tournés, entre quelques (rares) facilités. Si ce n’est qu’il réclame, comme de règle dans le bel canto, des interprètes vocaux d’exception. Contrat rempli à l’Opéra de Madrid !
Mariella Devia s’empare du rôle d’Elisabetta, rôle principal davantage que le rôle-titre, avec une endurance qui tient de l’exploit. Si ses premiers moments trahissent quelques flottements et notes tirées, la voix s’échauffant retrouve la plénitude des moyens qui ont fait la réputation glorieuse de la soprano, magnifique tragédienne lyrique éclatant dans sa grande scène finale. Gregory Kunde conserve aussi de beaux attributs. On serait même tenté de croire qu’ils n’ont jamais été tant épanouis, à écouter son Roberto jouant avec facilité des notes de passage, des nuances, entre élan bien senti et raffinements. Et le public madrilène de lui réserver une ovation tumultueuse, méritée, au moment des saluts (au détriment du sourire crispé de sa partenaire diva). Les deux autres rôles importants rivalisent d’excellence : une Silvia Tro Santafé, Sara d’envergure à travers une ligne constamment ductile ; et un Marco Caria, Nottingham d’un large legato de baryton. Un quatuor vocal de premier choix.
Le chœur titulaire du théâtre n’est pas en retrait, homogène et allant. Quant à l’orchestre, il se révèle en parfaite adéquation dans sa partie qui ne présente pas de difficultés particulières, mais agrémentée de certains détails subtilement transmis, sous la battue vigilante de Bruno Campanella.
Reste la mise en scène, signée Alessandro Talevi et empruntée à l’Opéra de Cardiff. Dans une obscurité obstinée, avec peu de décors et des costumes tout autant ténébreux, elle ne se signale guère par l’imagination parmi ses situations et gestuelles convenues. Sauf par l’apparition d’une araignée géante en forme de machine métallique articulée, infernale, dont on perçoit mal a priori la symbolique. Mais qui ajoute une note presque divertissante, bien que saugrenue, dans cette tragique histoire élisabéthaine de conflit politique et amoureux. « Araignée du soir, espoir ! », comme dit le proverbe. Car cela n’entrave en rien la marche musicale triomphale de la soirée.
Pierre-René Serna
Donizetti : Roberto Devereux – Madrid, Teatro Real, 28 septembre, jusqu’au 8 octobre 2015 / www.teatro-real.com/es
Photo © Javier del Real
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