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Roderick Cox dirige l’Orchestre national Montpellier Occitanie – Ils se sont trouvés – Compte rendu
Amusez-vous à lancer au cours d’une conversation entre mélomanes le thème de la rencontre entre une jeune baguette et un orchestre français ; à coup sûr elle s’orientera vers l’Orchestre de Paris ou celui de Toulouse – le mundillo musical classique a des côtés terriblement prévisibles. Cela ne se sait pas assez, pour le moment, mais une autre grande rencontre est en cours : entre l’Orchestre national Montpellier Occitanie et son nouveau directeur musical Roderick Cox, 37 ans. Autant dire la jeunesse pour un chef, simplement augmentée d’une expérience déjà très solide.
On a déjà eu l’occasion de souligner dans nos colonnes l’entente entre l’ONMO et l’artiste américain, ce dès le Rigoletto de 2021. Elle s’est confirmée lors d’un formidable programme avec le fabuleux violoniste Benjamin Beilman en décembre 2023, puis avec La Bohème en mai 2024 et, premier fait d’armes de Cox après sa nomination le 23 avril 2024, La Force du destin à la rentrée passée. La liste se prolonge avec le premier programme symphonique du maestro depuis sa prise de fonctions, qui rassemblait des pages de Ravel, Barber et Tchaïkovski – ces deux derniers s’inscrivant dans l’axe américano-russe tracé dès le concert de décembre 2023.
Comme dans un rêve
Roderick Cox n’en oublie pas pour autant la musique française : la soirée s’ouvre par Ravel et l’orchestration qu’il réalisa de sa Pavane pour une infante défunte. Vision proprement merveilleuse, semblant flotter dans un espace onirique : sous une baguette aussi précise que souple, la musique se déploie avec un raffinement et une beauté des timbres qui rappelle que la phalange languedocienne, par le jeu des départs à la retraite, a bénéficié comme tous les orchestres français d’un salutaire apport de sang neuf. On compte fermement sur Cox pour revenir au répertoire français – et pourquoi pas renouer avec l’époque où la formation, pionnière alors, explorait des répertoires rares à l’instigation de René Koering. Il reste tant à faire et le public se montre plus réceptif que jamais ...
Généreuse énergie
Chic, Barber est de retour à Montpellier ! Après l’ouverture The School for Scandal en 2023, on entend – et l'on découvre pour une grande partie de l’auditoire s’agissant d’une pièce jamais jouée en France – la Symphonie n° 1 op. 9. De quatre ans postérieure à l’ouvrage précité, elle tient un seul mouvement et une petite vingtaine de minutes. Le chef est chez lui dans cette manière de symphonie miniature, gorgée de post-romantisme, dont il extrait tout le suc expressif avec une généreuse énergie. Avec la splendide Dorotha Anderszewska, violon solo supersoliste, à leur tête, les musiciens se laissent emporter par la sûreté et le charisme d’une battue qui, tout ensemble, suggère avec imagination et exige avec la sûreté d’un « bras » exceptionnel. Ils se sont trouvés, se dit-on au terme de la section finale.
Episodes de la vie d’un artiste
Avec la Symphonie n° 4, Tchaïkovski occupe la seconde partie d’un concert donné devant un Corum archi-comble – d’évidence, Cox a aussi trouvé son public. Les affinités du chef avec la musique du Russe étaient patentes dès la Symphonie n° 5 en 2023. La Symphonie en fa mineur n’est pas moins réussie. La fatum qui, d’entrée, pèse sur l’ouvrage s’y exprime avec une irrésistible force et n’empêche aucunement de creuser le caractère de chacun des « épisodes de la vie d’un artiste » – pour utiliser une formule berliozienne – qui forment l’Opus 36. L’Andantino se révèle miraculeux de poésie, avec des cordes homogènes (mention spéciale pour les violoncelles, admirables) et une harmonie aux couleurs magiques et scintillantes, le Scherzo, léger comme une souffle d’air, éblouit par sa précision, avant un finale d’une intensité et d’une classe qu’on ne croise pas tous les jours. Pas le moindre doute : Roderick Cox et l'Orchestre national Montpellier Occitanie se sont vraiment trouvés !
Notez que vous pourrez écouter ce concert en différé le 23 février sur Radio Classique.
Alain Cochard.
Montpellier, Le Corum, 31 janvier 2025
Photo © Marc Ginot
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