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Rome - Compte-rendu : Temirkanov/Grimaud ou un ‘premier’ Brahms transcendé
La tête d’affiche de ce mardi 21 décembre 2005 était des plus prometteuses : Hélène Grimaud dans le 1er Concerto de Brahms, sous la direction de Yuri Temirkanov. Ce dernier concert d’une série de trois, donnée à la prestigieuse Santa Cecilia de Rome, allait permettre à la pianiste française de terminer l’année en beauté. Dans son répertoire de prédilection, son jeu racé et émouvant a laissé son empreinte hors norme : celle d’un équilibre harmonieux entre prise de risques et finesse du discours.
C’est un Brahms revisité auquel nous avons eu droit. Une construction minutieuse, parsemée de frottements et autres climax, qui va à l’essentiel. Détail d’importance, Grimaud était dans une démarche quasi expérimentale, choisissant un Fazioli plutôt que le Steinway neuf de l’Académie. Un son moins contrasté, sans basses véritables et, à l’arrivée, trompeur selon l’endroit de la salle où on se trouve. Un piège de l’acoustique très inattendu pour un tel lieu qui fausse complètement les plans sonores.
L’Allegro Maestoso fut un mélange de tension dramatique et d’émotionalité contrôlée. S’appuyant sur des phrasés languissants inhabituels, la direction de Temirkanov fait ainsi davantage ressortir le chant et la beauté ‘symphonique’ de l’oeuvre. Les interventions de l’orchestre sont soignées, alternant entre gravité et tendresse. De façon sereine, le chef russe opte pour une montée en puissance progressive. D’entrée, la soliste se distingue par son engagement au fond du clavier, son impétuosité naturelle - une déferlante bouillonnante d’accords notamment lors de la 2e entrée du piano - sa sensibilité à fleur de peau avec un toucher délicat et inspiré, cette main gauche infaillible et un sens remarquable de la respiration.
Moment à part vers la fin du 1er mouvement avec un climat de recueillement prolongé grâce à un magnifique diminuendo de la partie clavier et de l’orchestre. Une transition sublimée, dans un même élan, qui annonce la Prière que constitue le déchirant Adagio. Un choix de tempo dans ce 2eme mouvement plutôt allant qui se démarque nettement des versions habituelles. La valeur du temps semble ici se transformer, s’étirer pour occuper pleinement un espace où l’intemporalité est reine. Des accords parlants et d’une réelle gravité, des pianissimi empreints d’un impénétrable mystère mettent en lumière une des raisons pour laquelle entendre Hélène Grimaud jouer ne laisse jamais de marbre.
C’est avec une fougue et une jubilation partagée - un staccatto à la main gauche limpide et très rythmé - qu’elle entraîne orchestre et public dans un passionnant Rondo. Quelle fraîcheur libératrice et exaltante dans une page où cela ne cesse de palpiter, de vibrer de part et d’autre ! La large palette expressive et la richesse harmonique d’ensemble de cet allegro non troppo seront parfaitement exploitées pour aboutir à un climax final réussi.
Florence Michel
Rome, Santa Cecilia, le 21 décembre 2005.
Prochains concerts d’Hélène Grimaud
Photo : JH Fair/DG
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