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Saintes - Compte-rendu : Mozart au Festival de Saintes, Marathon en sol
Si Philippe Herreweghe avait bien conçu ses deux concerts enchaînés au Festival de Saintes comme un marathon dédié à Mozart, il n’avait pas prévu, en revanche, la canicule qui s’est abattue sur le grand Sud-Ouest! C’est donc dans une abbaye aux Dames transformée en étuves romaines, à 20 heures, le 17 juillet, que l’Orchestre des Champs-Elysées s’est lancé à l’assaut de l’Himalaya mozartien que représentent ces célèbres trois dernières Symphonies. Herreweghe avait finement choisi comme fil conducteur à la fois musical et psychologique pour unifier ses deux programmes la tonalité de sol, dans ses deux modalités majeure et mineure. Pour illustrer la première et ouvrir la soirée, le 3ème Concerto pour violon. C’est l’adieu de Wolfgang à l’esprit galant: à 19 ans, il a trouvé son langage pour exprimer ses états d’âme. Joie et tristesse se mêlent dans un orchestre aux sonorités claires et bien contrastées. Le soliste n’est autre que le violon solo de l’orchestre, Alessandro Moccia, ce qui ajoute encore à l’homogénéité de l’interprétation. On savoure la netteté de l’articulation et la justesse des accents.
L’acoustique de l’abbatiale parut moins favorable à la richesse de timbres foisonnante de la 25ème Symphonie, la première, mais aussi la plus longue avec ses quatre mouvements des deux symphonies en sol mineur. A 17 ans, Mozart expérimente, emprunte à ses devanciers, invente son langage et, surtout, affirme une incroyable maîtrise. Car classer ce chef-d’œuvre dans la rubrique des pièces « de jeunesse » serait une sottise: Wolfgang et son mentor Joseph Haydn furent bel et bien les Berio et les Boulez de leur époque ! C’est l’orchestre de Schubert avec ses vents dominateurs qu’invente ici Mozart. Par une jolie ironie de l’histoire des hommes et de leur musique, on se plait à imaginer que le rusé Salieri – aussi brillant chef d’orchestre qu’immense pédagogue ! – sut attirer l’attention de son élève Franz Schubert sur la riche orchestration de cette Symphonie.
Cette somptueuse partition, trop rare au concert, méritait bien la confrontation avec les trois ultimes Symphonies. Merci à Philippe Herreweghe d’avoir songé à ce chef-d’œuvre et de l’avoir fouillé avec une telle force de conviction. Malheureusement, combien de ses beautés se sont perdues dans la tourmente d’une acoustique tourbillonnante! Il en restait assez pour qu’on admire l’intrépidité des quatre cors, la poésie des deux hautbois et pour que cette œuvre de 1774 n’ait pas à rougir d’être confrontée à la première des trois dernières Symphonies, celle en mi bémol, écrite quatorze ans plus tard : quelle force, quel dynamisme, Herreweghe réussit à insuffler à ses troupes ! Oubliée la canicule !
Ce dont on sait surtout gré au chef et à ses musiciens, c’est d’exalter la singularité de chacun de ces chefs-d’œuvre: ils ne cherchent ni à trouver une continuité artificielle, ni à imposer de vaines correspondances. Il y a beaucoup de joie dans ce mi bémol majeur et d’enjouement dans son finale digne d’un opéra. Mais le tragique revient au galop avec la tonalité de sol mineur en ouverture du second concert: l’articulation des cordes et la vivacité des vents font merveille dans ce combat si mozartien entre les ténèbres et la lumière. Du thème ressassé du premier mouvement de la 40ème Symphonie, ils nous livrent une lecture bouleversante dans sa simplicité et son évidence. De même que les peintres passent à toute autre chose lorsqu’ils ont terminé un tableau, de même Mozart n’a pas cherché à relier les Symphonies nos 39, 40 et 41.
Familier des grandes fresques de Bach, Herreweghe nage comme un poisson dans l’eau dans le contrepoint qui domine la Jupiter et donne à entendre ce dont Beethoven fera son miel dans ses plus belles pages fuguées. Il est minuit lorsque résonne l’ultime accord de do majeur du finale.
Jacques Doucelin
(Festival de Saintes – 17 juillet 2006). Voir la programmation détaillée.
Mozart occupe une grande place dans la saison de l’Orchestre de Champs-Elysées. Il marquera même son grand retour au Théâtre des Champs-Elysées à Paris avec deux concerts, les 12 et 13 septembre prochains. Herreweghe a choisi de donner la 39ème Symphonie en première partie, avant la Messe en ut mineur.
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