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Salomé selon Andrea Breth au Festival d’Aix-en-Provence 2022 – Elsa Dreisig décroche la lune – Compte-rendu
Si certains composent des sonates auxquelles la lune procurera par la suite un nom de baptême, Andrea Breth a décidé d’installer sa Salomé dans une nuit de pleine lune. Choix loin d’être innocent, à en croire la metteuse en scène, puisque les destins vont se croiser, l’amour naître et mourir en quelques heures, sous la lumière blafarde, et les influences avérées ou fantasmées associées à l’astre nocturne en majesté. En cette deuxième soirée du Festival d’Aix, au Grand Théâtre de Provence, ce fut avant tout l’occasion pour Elsa Dreisig, qui embrassait le rôle de Salomé pour la première fois de sa carrière, de décrocher la lune …
La prestation de la tout juste trentenaire soprano franco-danoise est époustouflante. Cette production s’apparente réellement, pour elle, à un one woman show tant elle tient l’intrigue à bout de bras et au bout de sa voix pendant plus d’une heure et demie. « Salomé est une adolescente de seize ans », déclare Andrea Breth en interview. Qu’à cela ne tienne, Elsa Dreisig relève le challenge. Physique de jeune fille, yeux bleus et chevelure blonde, elle traverse l’œuvre de façon hypnotisante, livrant ses sentiments avec une puissance rarement égalée : aversion pour un beau-père harceleur, questionnement incessant par rapport à la mère, jeu de séduction envers l’officier soupirant, pulsion amoureuse inassouvie pour le prophète qui mènera jusqu’au mortel désir de vengeance et jusqu’à une forme de folie fatale.
© Bernd Uhlig
Elsa Dreisig incarne tout cela avec une grande personnalité, mais aussi une omniprésente fragilité qui la conforte dans ce rôle taillé sans fioritures pour elle par la metteuse en scène, usant à l’extrême du dépouillement et de la suggestion pour exacerber les sentiments. Ainsi la danse des sept voiles ne dévoile rien de l’anatomie féminine mais laisse à penser qu’au-delà du regard pervers du beau-père, ce sont les yeux de Jochanaan qui sont sollicités par la jeune fille … De même rien n’est montré de la tête du prophète disposée dans un seau où seule une trainée sanglante sur un rebord suggère l’immonde. Vocalement la soprano donne aussi l’impression d’être en permanence sur un fil sans jamais en tomber. Ce qui ne fait que conforter la dimension vulnérable de son personnage.
Mais toute médaille a son revers et si les choix d’Andrea Breth permettent à Elsa Dreisig de décrocher la lune, on ne peut pas dire que l’ensemble de la scénographie suscite l’enthousiasme ; ce serait plutôt le contraire. L’organisation est linéaire, souvent plate et sombre, à l’image de ces éléments de décors qui se déplacent de jardin à cour et hormis la prestation de la soprano, peu de choses s'avèrent captivantes. Trop de suggestion tue la suggestion !
C’est d’autant plus regrettable que Gabor Bretz est un Jochanaan vocalement généreux, que John Daszak excelle dans le rôle d’Hérode tout comme Angela Denoke incarne une Hérodiade sulfureuse et malsaine à souhait alors que dans la fosse, sous la direction incisive d'Ingo Metzmacher, l’Orchestre de Paris sonne idéalement avec couleurs et nuances. Si l’accueil réservé au plateau, aux musiciens et à leur chef fut chaleureux, celui qui accompagna l’arrivée sur scène d’Andrea Breth fut plus mitigé. Mais il ne fait aucun doute que pour Elsa Dreisig, en ce soir de première et de prise de rôle, c’est le soleil d’Aix-en-Provence, et non la lune, qui illuminait son existence.
Michel Egéa
Strauss : Salomé – Aix, Grand Théâtre de Provence, 5 juillet ; prochaines représentations les 9, 12, 16 et 19 juillet 2022. Diffusion en direct sur France Musique le mardi 12 juillet à partir de 20h // festival-aix.com/fr/evenement/salome
Photo © Bernd Uhlig
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