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Semiramide de Rossini à l’Opéra national de Lorraine – Mémorable - Compte-rendu
C’est ainsi un écrin, y compris dans son décorum rococo d’or et d’argent, des mieux approprié au tout dernier opera seria de la période italienne de Rossini. À croire que la mise en scène de Nicola Raab s’en inspire, dans son faste baroqueux, côté costumes et gestiques, et sa figuration d’un « théâtre dans l’opéra », avec plateau de scène, rideau de scène et feux de la rampe, plantés sur un pan de la scène elle-même. Un jeu de contrastes et de double lecture, sans autre élément sur un plateau nu par ailleurs, qui se prête à cet opéra plié aux conventions du seria dans une Babylone de mythologie. Des lumières, à vue par des projecteurs sur le plateau même, ajoutent des effets que cette trame éperdument tragique appelle, autour de mouvements et déplacements bien cadrés. Une manière de renouvellement, mais aussi de retour aux sources.
Il en serait de même de la distribution, où Franco Fagioli s’empare du rôle d’Arsace, rôle travesti affecté par Rossini à un contralto féminin. Sa voix de contre-ténor correspond, jusque dans la colorature échevelée, servie par une tessiture égale où les éclats ne manquent pas. Une prise de rôle attendue, et qui remplit ses promesses.
À ses côtés, Salome Jicia délivre un chant rossinien plus conforme aux habitudes, pour un rôle-titre illustré par tant de gosiers illustres et ici inscrit dans une juste filiation. Autre grand vainqueur, Fabrizio Beggi, épisodique Oroe et Ombre de Nino, emplit l’espace de sa voix de basse imposante. Pour Assur et Idreno, Nahuel Di Pierro et Matthew Grills seraient plus en retrait, baryton parfois étiré et ténor aux aigus forcés, mais l’un et l’autre d’une projection soutenue. Inna Jeskova figure une Azema de jolie prestance pour ses quelques répliques. Un plateau vocal inédit, et des mieux trouvé.
Le chœur, celui de l’Opéra de Lorraine renforcé de celui de l’Opéra de Metz, intervient avec une ardeur de juste à-propos, en dépit d’occasionnels décalages. L’orchestre quant à lui répond d’un seul élan, ou dans des détails instrumentaux délicatement sertis, face à la battue d’une précision acérée de Domingo Hindoyan. Pour près de trois heures trente d’une tension sans relâchement, parmi les infinis ornements tant vocaux qu’instrumentaux d’un Rossini les plus inspiré.
Pierre-René Serna
Photo @ Opéra national de Lorraine
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