La 73^e édition du Septembre Musical de Montreux-Vevey revêt une valeur particulière pour Tobias Richter qui, après avoir dirigé le festival pendant quatorze ans, fait ses adieux. Le concert de clôture aura été à la hauteur de cette manifestation prestigieuse par la présence de Martha Argerich (photo) et de Charles Dutoit qui ont donné un lustre particulier à l’événement en compagnie de l’European Philharmonic of Switzerland, une jeune formation – émanation de l’Orchestre des Jeunes Gustav Mahler – régulièrement présente à Montreux.

Charles Dutoit © Celine Michel

En ouverture, le ballet Jeux de cartes de Stravinski ; une partition qui exige des musiciens non seulement de la virtuosité, mais aussi un sens du rythme, des contrastes et des couleurs. Charles Dutoit a toujours entretenu avec l’œuvre du compositeur russe une relation privilégiée dès ses années d’apprentissage auprès de Ernest Ansermet. A 82 ans, le chef suisse n’a rien perdu de son énergie, de sa clarté de direction et d’un sens de l’humour qui se retrouve dans une interprétation d’une vitalité contagieuse transmise à un orchestre très en verve et dont on apprécie toutes les qualités de cohésion et de vélocité. Martha Argerich aborde le Concerto n°1 de Liszt avec autorité, flamme, poésie, et cette vitesse de propulsion dans le final qui déclenche l’enthousiasme du public. Entente cordiale avec Dutoit qui connaît la pianiste comme personne après plus d’un demi-siècle de collaboration familiale et musicale. Des bis à se damner dont la Sonate K.141 de Scarlatti qui défie l’entendement par l’alacrité, le naturel et l’agilité. Seconde partie tout aussi réussie avec la Symphonie avec orgue de Saint-Saëns, une page déclamatoire et grandiose que Dutoit sait non seulement faire briller (avec le concours de l’organiste Daniel Chappuis), mais où il retrouve toute la saveur et les subtilités de l’art français. Un grand moment orchestral lumineux et d’une rare unité.

Tobias Richter © Jean-Baptiste Millot

A la demande de Tobias Richter, le concert se conclut par la Valse Triste de Sibelius où, derrière la nostalgie, pointent un lyrisme et une émotion loin d’une cérémonie des adieux. Désormais, le Septembre Musical de Montreux entre dans une nouvelle ère avec la nomination de Mischa Damev(1), l’un des derniers disciples d’Alexis Weissenberg.
 
Michel Le Naour

 
(1) www.concertclassic.com/article/mischa-damev-nomme-directeur-artistique-du-septembre-musical-de-montreux-vevey
 
Montreux, Auditorium Stravinski – 9 septembre 2018

Photo © DR