Journal
Simon Boccanegra à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège – Vengeance des pères – Compte-rendu
Cette saison, les mises en scène ont connu des tocs. Chez Mozart, Puccini et Rossini, la tournette a été omniprésente et chacun a eu droit à un usage intensif des années 1930. Régime stalinien, Italie mussolinienne et art déco totalitaire dans La Clémence de Titus selon Pierre-Emmanuel Rousseau, dans la Tosca selon Villalobos (à Montpellier et l’an prochain à Barcelone) et dans l’Otello de Rossini offert à Liège par Emilio Sagi. Dans la capitale wallonne, le nouveau Simon Boccanegra est à nouveau rhabillé fasciste. Gary McCann propose, pour son décor palatial, une monumentale tournette dont les hautes verrières et le béton impérieux évoquent la station Termini de Rome. Deux lions statufiés rappellent les rivalités des familles patriciennes.
© J. Berger - ORW
Dans une atmosphère pesante dominée par le morne infini de la mer, Laurence Dale illustre le livret plus qu’il ne le dissèque. On se contentera des mouvements d’une plèbe habillée en ouvriers médiévaux et de l’agitation d’une noblesse militarisée. Les partisans d’un opéra facile d’accès y trouvent leur compte, d’autres, plus exigeants, peuvent juger paresseuse cette lecture qui rend confus un livret naturellement alourdi par le hiatus temporel existant entre le prologue et le début de l’action.
G. Petean (Boccanegra) & Federica Lombardi (Amelia) © J. Berger - ORW
L’essentiel reste cependant le chant. L’émotion que dégage le Boccanegra de George Petean permet d’oublier une agonie finale dont le traitement manque d’inventivité. Si le baryton roumain n’a pas l’instrument granitique d’un Ludovic Tézier, sa bienveillante autorité et sa ligne chambriste émeuvent tout autant. Le Fiesco de Riccardo Zanellato incarne avec autorité l’autre père meurtri dont la rancœur est exploitée par Paolo. Le vipérin Lionel Lhote y est odieux de caractère mais intense de timbre et on se dit que le personnage de Iago n’attend que lui. Roger Joakim, en Pietro, livre un autre méchant d’une intéressante complexité. Marc Laho, malencontreusement vieilli par un maquillage et une perruque mal à propos, chanta, en ce rude soir de canicule, un Gabriele Adorno à la corde. Federica Lombardi, élégante et racée, dispose d’un soprano puissant auquel manque cependant la souplesse. Si « Come in quest’ora bruna » est bien conduit, les courbes sublimes que Verdi lui réserve à la fin du premier acte laissent de marbre. On attend ici qu’Amelia provoque la chair de poule, pas qu’on applaudisse un exploit vocal.
Speranza Scapucci © speranzascapucci.com
Triomphatrice absolue de la soirée, Speranza Scapucci fait corps avec un orchestre toujours en belle forme. Subtilité rythmique de la scène marine, éloquence glacée des moments politiques, élégie tendre pour l’agonie paternelle ; lors des saluts, la salle explose d’un enthousiasme que la cheffe, d’un élégant mouvement de baguette, redistribue aussitôt à ses pupitres. Amelia, ce soir-là, ce fut elle, servant la partition avec autant de rigueur que de sensibilité.
Vincent Borel
Photo © J. Berger - ORW
Derniers articles
-
21 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
19 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
17 Décembre 2024Alain COCHARD