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Skip Sempé lance le Festival Terpsichore – Hommage à Rameau
Superbe nouveauté discographique de la rentrée, la Messe des morts de Jean Gilles dans la version donnée pour le service funèbre de Rameau le 27 septembre 1764 à l’Oratoire du Louvre vient de paraître, dirigée par Skip Sempé à la tête du Capriccio Stravagante, des 24 Violons, du Collegium Vocale Gent et d’un quatuor vocal formé de Judith van Wanroij, Robert Getchell, Juan Sancho et Lisandro Abadie(1). On ne pouvait rendre hommage à Rameau de façon plus originale qu’avec l'étonnante « version 1764 » de l'ouvrage de Gilles, où des pages Dardanus, Castor et Pollux et Zoroastre on été insérées.
Un bonheur ne vient jamais seul : le moment approche d’entendre cette musique en concert, en ouverture de la 1ère édition du festival Terpsichore que le claveciniste et chef lance à Paris. Un événement car, aussi incroyable que cela puisse paraître, ce sera la première fois que Skip Sempé dirige dans la capitale française …
Avec l’année Rameau, l’occasion était trop belle et le disciple de Gustav Leonhardt a tenu à rendre hommage à l’auteur des Boréades en donnant une version de la partition de Gilles dont il connaissait l’existence depuis très longtemps et qu’il a consultée à la Bibliothèque Nationale il y a trois ans environ. Fort de l'expérience en concert de la version originale de 1705 – qui fut jouée lors des obsèques de Gilles -, Skip Sempé s’est lancé dans celle de 1764. « Cette version procède à une « mise à jour » de l’œuvre pour les goûts parisiens des années 1760, remarque-t-il. C’est la version la plus dramatique de la Messe des morts et la seule fois où l’on y trouve une partie de timbales écrite. On découvre aussi une partie de contrebasse séparée des basses. Une paire de cors, une paire de hautbois et une paire de bassons s’ajoutent à la paire de flûtes. » Effet saisissant que celui produit par une version vraisemblablement concoctée par Rebel et Francœur pour le service funèbre de leur illustre confrère.
Compte tenu du nombre limité de places à l’Oratoire du Louvre, l’œuvre y sera exécutée deux soirs d'affilée (les 17 et 18 septembre), avec les mêmes interprètes que ceux de l’enregistrement (à l’exception de Juan Sancho remplacé par Fernando Guimarães pour la partie de taille).
Après cette entrée en matière plutôt inattendue, Terpsichore continuera de fêter Rameau en octobre (les 25 et 26 ; à 17h et 20h 30 dans les deux cas) lors d’un week-end de clavecin et de musique de chambre dans la belle Salle Erard. Après un programme «Symphonies à deux clavecins » avec son collègue Pierre Hantaï le samedi, Skip Sempé retrouvera Olivier Fortin et des membres de Capriccio Stravagante le lendemain pour un « Rameau en concerts ».
Mini-festival à la vérité que Terpsichore cette année, mais Skip Sempé compte bien le développer dès 2015 en augmentant le nombre de lieux et celui des concerts. Pas de doute, de très belles surprises nous attendent, tout comme dans la carrière – le terme convient d’ailleurs très mal s’agissant d’un tel artiste – d’un musicien qui, sans délaisser le clavecin, nourrit divers projets en tant que chef.
L’Orfeo et Les Vêpres de Monteverdi figurent aux premiers rangs de ceux-ci. Il est aussi tenté par une série de concerts et de disques basés sur les chansons et madrigaux du XVIe siècle et toutes les adaptations et transformations dont ils ont fait l’objet par la suite. Guère de chance de voir Skip Sempé se lancer, à l’instar de certains baroqueux, dans le répertoire postérieur à 1760-1770. S’il l’apprécie en tant qu’auditeur, l’interprète qu’il est a la profonde honnêteté de reconnaître ne pas s’y sentir à sa place. Faire une exception ? Elle serait très probablement pour Le Paradis et la Péri de Schumann, composition qui le fascine. Mais il se montre prudent - « car c’est comme ça que ça commence… » - et préfère se consacrer au Baroque ou la Renaissance, domaines où il à tant à dire et à partager, à la direction comme au clavecin.
La transmission, la pédagogie ? « Pendant longtemps je n’ai pas eu envie de m’em…. avec l’enseignement », avoue Skip Sempé avec la franchise qu’on lui connaît, refus qui était conforté par un faible niveau global en matière de clavecin. « Il y a toujours plus de bons clavecins que de bons clavecinistes aujourd’hui », plaisante-t-il, mais les choses ont évolué et le besoin de transmettre se manifeste depuis quelques temps chez l’ancien élève de Gustav Leonhardt.
Comme son maître autrefois, Pierre Hantaï, Bob van Asperen et d’autres, Skip Sempé fait partie de l’équipe pédagogique de la Piccola Accademia di Montesi, vrai « temple du clavecin » fondé en Toscane par Bruce Kennedy. En octobre, il sera à la Villa Medicis avec P. Hantaï pour des masterclasses. Le printemps prochain devrait marquer son retour à la Juilliard School où il a déjà donné des cours il y a deux ans. Quant au Festival de musique ancienne d’Utrecht 2015, la Piccola Accademia di Montesi y sera très vraisemblemement « conservatoire en résidence », juste avant que Skip Sempé ne retrouve Paris pour un 2ème Festival Terpsichore où des masterclasses publiques sont prévues. On l’aura compris, avec Terpsichore un très belle aventure musicale commence… Une vraie bonne nouvelle, enfin, en cette morose rentrée !
Alain Cochard
(1)1 CD Paradizo PA0013
1er Festival Terpsichore
Gilles : Messe des morts
Capriccio Stravagante, Les 24 Violons, Collegium Vocale Gent Judith van Wanroij, Robert Getchell, Fernando Guimarães et Lisandro Abadie, dir. Skip Sempé
Les 17 et 18 septembre 2014 –20h30
Œuvres de Rameau
Skip Sempé, Olivier Fortin (clavecins), membres du Capriccio Stravagante
Le 25 et 26 octobre 2014 – 17h et 20h30
Paris – Salle Erard (13 rue du Mail, 75002)
http://terpsichore-festival.com
Photo © Marco Borggreve
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