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Soirée William Forsythe au Palais Garnier – Un Forsythe peut en cacher un autre ! - Compte rendu
Soirée William Forsythe au Palais Garnier – Un Forsythe peut en cacher un autre ! - Compte rendu
A-t-on eu souvent l’occasion de s’attendrir devant une pièce de Forsythe, l’a-t-on vu doux , bénin, gracieux ? Lui qui depuis quarante ans fracasse le monde de la danse de son déconstructivisme engagé, voire violent, de son désir de tout remettre à plat des codes du ballet classique en poussant sa vieille grammaire aux limites de l’impossible, à force d’attitudes vertigineuses et décalées, de ruptures et de déséquilibre presque dangereux. Un personnage qui avait avalé nombre de tendances du XXe siècle : du travail sur le mouvement pur aux contestations sociales. A chaque âge son style. Celui-ci, développé dans une nouvelle création proposée aux danseurs de l’Opéra de Paris, qui se régalent de cette écriture gymnique propre à les mettre en valeur, est étonnamment léger et peu provocant : comme si le maître faisait ses bagages de vacances !
Pièce de 25 minutes, donc, Blake Works I (photo), déroule quelques tableaux amoureux sur des poèmes que met en notes le compositeur James Blake : autant dire que le ton est donné d’emblée, avec cette musique de casino ou de vieux night club, qui plonge dans une ambiance soap. Pour le reste, Forsythe est bien là où on ne l’attend pas, c'est-à-dire dans le retour à ses origines : on redécouvre avec ces attitudes déhanchées, ce parallélisme des sons, des rythmes et des gestes, cette graphie aux faux airs nonchalants, la patte puissante de son idole de jeunesse, Balanchine. Et tout cela paraît singulièrement démodé, outre que l’on préfère Stravinski, complice de Balanchine, à James Blake, ce qui donne nettement l’avantage à l’ancien maître. Les danseurs se font donc des mines, se provoquent ou se mêlent à coups de jolies attitudes piquantes. Des échanges délicats auxquels seul Robbins savait donner un intérêt. Il ne manque que les boucles d’oreille chères à Balanchine. Bref, du maniérisme. On en reste stupéfait, malgré un charme incontestable.
Pièce de 25 minutes, donc, Blake Works I (photo), déroule quelques tableaux amoureux sur des poèmes que met en notes le compositeur James Blake : autant dire que le ton est donné d’emblée, avec cette musique de casino ou de vieux night club, qui plonge dans une ambiance soap. Pour le reste, Forsythe est bien là où on ne l’attend pas, c'est-à-dire dans le retour à ses origines : on redécouvre avec ces attitudes déhanchées, ce parallélisme des sons, des rythmes et des gestes, cette graphie aux faux airs nonchalants, la patte puissante de son idole de jeunesse, Balanchine. Et tout cela paraît singulièrement démodé, outre que l’on préfère Stravinski, complice de Balanchine, à James Blake, ce qui donne nettement l’avantage à l’ancien maître. Les danseurs se font donc des mines, se provoquent ou se mêlent à coups de jolies attitudes piquantes. Des échanges délicats auxquels seul Robbins savait donner un intérêt. Il ne manque que les boucles d’oreille chères à Balanchine. Bref, du maniérisme. On en reste stupéfait, malgré un charme incontestable.
Approximate Sonata © Ann Ray - Opéra national de Paris
La soirée, heureusement, a aussi offert le meilleur de Forsythe, dans sa veine forte, dense et abrupte : l’extraordinaire Approximate Sonata que l’Opéra inscrivit à son répertoire en 2006. Sur la musique de Thom Willems, complice habituel du chorégraphe, quatre couples s’affrontent, sur un plan purement gymnique, et cela donne des inversions, des contrastes, des mises en question ou en demeure qui font de chaque instant un choc. D’autant que les protagonistes choisis étaient cette fois parfaitement en situation. Outre la prodigieuse Alice Renavand, donc chaque inflexion frappe juste, de très beaux éléments masculins, avec notamment Audric Bezard, puissant et animal, et la délicieuse Hannah 0’Neill, la plus douée de nos premières danseuses, qui conjugue finesse, grâce et précision. Cette pièce qui se déroule presque comme une performance de tir, donne la pleine mesure du talent ravageur de l’ex-maître du Ballet de Francfort, de celui qui devint une icône à l’Opéra de Paris, lorsqu’il y créa en 1987 l’illustre In the Middle, somewhat elevated, avec une certaine Sylvie Guillem.
En entrée de ce menu complexe, on avait pu voir un duo attachant daté de 1995, Of any if and, éternelle quête sur les rapports du couple transcendés par leur recherche purement gestuelle, et cultivant la cassure de rythme et d’ambiance, dans cette quête d’instantanéité qui est l’un des thèmes organiques de Forsythe : une confrontation rendue malheureusement un peu morne par la musique répétitive de Willems, qui n’y fut pas au meilleur de son inspiration. Là aussi de très beaux danseurs, transportés par l’enjeu dynamique, Vincent Chaillet et Eléonore Guérineau. Soirée riche, contrastée, surprenante : un Forsythe peut en cacher un autre !
Jacqueline Thuilleux
La soirée, heureusement, a aussi offert le meilleur de Forsythe, dans sa veine forte, dense et abrupte : l’extraordinaire Approximate Sonata que l’Opéra inscrivit à son répertoire en 2006. Sur la musique de Thom Willems, complice habituel du chorégraphe, quatre couples s’affrontent, sur un plan purement gymnique, et cela donne des inversions, des contrastes, des mises en question ou en demeure qui font de chaque instant un choc. D’autant que les protagonistes choisis étaient cette fois parfaitement en situation. Outre la prodigieuse Alice Renavand, donc chaque inflexion frappe juste, de très beaux éléments masculins, avec notamment Audric Bezard, puissant et animal, et la délicieuse Hannah 0’Neill, la plus douée de nos premières danseuses, qui conjugue finesse, grâce et précision. Cette pièce qui se déroule presque comme une performance de tir, donne la pleine mesure du talent ravageur de l’ex-maître du Ballet de Francfort, de celui qui devint une icône à l’Opéra de Paris, lorsqu’il y créa en 1987 l’illustre In the Middle, somewhat elevated, avec une certaine Sylvie Guillem.
En entrée de ce menu complexe, on avait pu voir un duo attachant daté de 1995, Of any if and, éternelle quête sur les rapports du couple transcendés par leur recherche purement gestuelle, et cultivant la cassure de rythme et d’ambiance, dans cette quête d’instantanéité qui est l’un des thèmes organiques de Forsythe : une confrontation rendue malheureusement un peu morne par la musique répétitive de Willems, qui n’y fut pas au meilleur de son inspiration. Là aussi de très beaux danseurs, transportés par l’enjeu dynamique, Vincent Chaillet et Eléonore Guérineau. Soirée riche, contrastée, surprenante : un Forsythe peut en cacher un autre !
Jacqueline Thuilleux
Soirée William Forsythe – Paris, Palais Garnier, 4 juillet 2016 ; prochaines représentations : les 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 15, 16 juillet 2016 / www.operadeparis.fr
Photo (Blake Works 1) © Ann Ray - Opéra national de Paris
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