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Strasbourg - Compte-rendu - Siegfried selon David McVicarUn récit merveilleux
Nicholas Snowman n’aura pas le temps de voir l’achèvement du Ring mis en scène par David McVicar car c’est sous le mandat de Marc Clémeur, son successeur à partir de septembre prochain, que sera donné le dernier volet de la Tétralogie. Il n’empêche, le lancement de ce projet ambitieux confié à l’un des jeunes metteurs en scène les plus en vue d’aujourd’hui est à inscrire parmi les meilleures initiatives de l’actuel Directeur général de l’Opéra du Rhin.
Siegfried donc. Après une Walkyrie unanimement saluée la saison dernière, la deuxième journée du Ring témoigne à nouveau des affinités du metteur en scène écossais avec l’univers de Richard Wagner. Le travail de McVicar va de l’approche extrêmement réaliste de l’Acte I à celle, abstraite et minérale du III, en passant par la féerie d’un Acte II où de très ingénieuses solutions sont trouvées, qu’il s’agisse de l’oiseau (une marionnette posée sur les genoux de Malia Bendi Merad, parfaite de fraîcheur vocale, assise sur un praticable descendu des cintres ) ou du monstre (une araignée géante dont les pattes et la face sont actionnées par de solides gaillards) – Fafner honorablement tenu par le Finnois Jyrki Korhonen. Rien de kitch dans le spectacle que l’on découvre, mais tout au contraire une belle poésie générée par les décors et les costumes de Rae Smith et les lumières particulièrement soignées de Paule Constable. Nul temps mort dans un Siegfried qui réveille l’âme d’enfant dormant en chaque spectateur et lui donne l’impression de feuilleter un récit merveilleux. Un remarquable travail d’équipe, d’une fluidité exemplaire, dont la vie et le relief se nourrissent de la direction d’acteur très précise de McVicar.
Travail d’équipe : la formule vaut également pour la distribution réunie. Point de star tirant la couverture à elle, mais des protagonistes également investis dans l’entreprise. A tout seigneur tout honneur, saluons d’abord la performance de Lance Ryan. Le jeune ténor canadien fait là sa première apparition en France, mais le rôle de Siegfried lui est déjà familier. Jeunesse, éclat : la dimension héroïque du personnage est présente, sans rien de braillard ou de m’as-tu vu toutefois. Bien au contraire, McVicar invite l’interprète à composer un Siegfried attachant dont le côté « mal élevé » et parfois gauche équilibre le versant héroïque et conquérant. La santé vocale avec laquelle il affronte les échanges avec la Brünnhilde de Jeanne-Michèle Charbonnet en dit long sur sa santé vocale et sa capacité de maîtriser ses ressources physiques jusqu’au terme de la soirée. L’engagement et la force d’émotion que, malgré quelques aigus tendus, la soprano manifeste ne peuvent il est vragi que lui donner du cœur à l’ouvrage dans la scène finale.
Jason Howard, qui était déjà le Wotan de L’Or du Rhin et de La Walkyrie, incarne un Wanderer que l’on souhaiterait plus ténébreux mais qui retient néanmoins l’attention par la beauté de sa ligne de chant, sa noblesse aussi, à son meilleur lors de la rencontre avec l’émouvante Erda d’Alexandra Kloose. Parfait dans le rôle du gnome hargneux, le Mime de Colin Judson apporte beaucoup aux ressorts comiques de l’Acte I, largement exploités par McVicar, tandis que le Kazakh Oleg Bryjak souligne de sa voix caverneuse la vilenie d’Alberich.
Après Günter Neuhold pour L’Or du Rhin et Marko Letonja pour La Walkyrie, c’était au tour de Claus Peter Flor de prendre place à la tête des musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. D’une partie d’entre eux plus exactement car les dimensions limitées de la fosse imposent un effectif orchestral relativement léger. Vivante quoique jamais pressée, fervente sans aucun pathos, la direction très chambriste du maestro allemand explore les détails de la partition et apporte une contribution de taille au relief et au foisonnement de ce Siegfried.
Quant au Götterdammerung, patience ! McVicar est un artiste très demandé et il faudra attendre la saison 2010-2011 pour goûter à la dernière journée de son Ring strasbourgeois.
Alain Cochard
Richard Wagner : Siegfried. Opéra National du Rhin/Strasbourg, le 2 février 2009, puis les 7, 10 et 13 février, les 27 février et 1er mars à Mulhouse/La Filature.
Photo : DR
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Photo : Alain Kaiser
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