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« Street Art » par Les Apaches ! à l’Athénée – Energie urbaine – Compte-rendu
Comme pour Le Balcon de Maxime Pascal auparavant, Patrice Martinet, alors directeur du théâtre de l’Athénée, avait su saisir l’originalité et le potentiel des Apaches, collectif constitué autour du chef Julien Masmondet (1) et du compositeur Pascal Zavaro : c’est dans la maison de Louis Jouvet que leur aventure a officiellement commencé en janvier 2020. Quelques belles initiatives plus tard – dont la version originale de la Tragédie de Salomé de Florent Schmitt, sur scène et au disque (B. Records) – Julien Masmondet et ses musiciens étaient de retour à l’Athénée pour « Street Art », un projet inattendu et décapant tel que Les Apaches ! savent en inventer.
Casser les codes et innover pour renouveler – et rajeunir – le public de la musique classique ou contemporaine : ces intentions s'apparentent souvent à un petit coup de peinture flashy sur un dessus de pendule, accompagné d’une note d’intention verbeuse – en écriture inclusive il va de soi. Avec « Street Art », Julien Masmondet ne se paie pas de mots et ose, franchement, en invitant le mouvement dans la salle !
Il a en effet proposé à Simon Nogueira, free-runner connu pour ses évolutions sur les toits de Paris (il parviendrait à donner le vertige à un chat !) et Andrea Catozzi, danseur et acrobate, de prendre part à un spectacle conçu autour de trois grands pôles : Street Art (2017) de Régis Campo, Radio Rewrite de Steve Reich (c’est ici la création française de cette pièce écrite en 2012 en hommage au groupe de rock Radiohead) et Silicon Music (les 1er, 4e et 5e mvts), concerto pour violon et ensemble (1997) de Pascal Zavaro inspiré par l’univers du manga. Ces trois pièces habilement réunies par un prélude, deux interludes et un postlude (conçus par Nicolas Canot) forment un continuum musical qui se referme sur Niviana’s Devil Drop, une création mondiale de Fabien Cali, artiste dont l’imaginaire sonore correspond idéalement au projet des Apaches.
A quoi ressemble le résultat ? A rien, aurait envie de dire, en donnant la tonalité la plus positive à cette réponse. Impossible en effet de ranger « Street Art » dans telle ou telle case, et bien difficile de « décrire » le concentré d’énergie (une heure vingt en tout), puisée dans l’univers urbain, qu’il fait exploser dans la bonbonnière de l’Athénée.
Un banc davioud (dûment tagué) est installé au pied de la scène, sur lequel évolueront en pas mal d’occasions Nogueira et Catozzi, particulièrement impliqués (Sarah Silverblatt Buser signe la chorégraphie). Ils constituent un élément essentiel évidemment d’un spectacle (mis en scène par Gordon) dont la force reste toutefois de ne pas tomber dans le systématisme. « Street Art » sait ménager, à côté de moments particulièrement toniques pour l’oreille comme pour l’œil (les évolutions des acrobates se font soit en direct, soit sur les vidéos), des épisodes plus calmes, plus oniriques : cette tapisserie de tags qui défile durant Radio Rewrite, ce vibrant dialogue du violon d’Eva Zavaro avec le ciel de Paris dans le mouvement lent de Silicon Music ...
© Les Apaches ! / Victoria Gaboune
Par-delà le gris des toits de zinc de la capitale, « Street Art » est d’abord synonyme de liberté, d’incessante surprise, de poésie, d’humour parfois aussi ; il doit beaucoup au formidable engagement de treize instrumentistes rondement menés par Julien Masmondet.
Une liberté qui est aussi malléabilité : on ne doute pas que, transposé dans le cadre de la grande nef du musée d’Orsay en février 2024, « Street Art » nous réserve bien des surprises encore. En comme certaines vidéos (signées Cynwal Hoper) du spectacle le laissent pressentir, l’horloge du musée devrait donner quelques jolies idées à nos free-runners ...
Alain Cochard
(1) Lire l’interview : www.concertclassic.com/article/rencontre-avec-julien-masmondet-chef-dorchestre-les-apaches-entre-tragedie-eloge-de-la
Paris, Théâtre de l’Athénée, 12 mai 2023. Reprise au musée d’Orsay les 6 et 7 février 2024
Photo © Les Apaches ! / Victoria Gaboune
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