Quelle œuvre plus emblématique des changements radicaux apportés au romantisme par la nouvelle musique que les Gurrelieder ? Schoenberg les commence comme une immense coda au Tristan et Isolde wagnérien et les achève par un mélodrame en un sprechgesang où poésie et distanciation ironique se mêlent pour un savant et spectaculaire règlement de compte avec la tradition. Cette vaste fresque à l’effectif démesuré clôt autant qu’elle ouvre, et n’en finit pas de regarder des deux côtés de l’Histoire, sentinelle aussi splendide qu’énigmatique. Pour tous les chefs elle constitue un défi et un rêve à la fois.

David Zinman cède lui aussi à ses sirènes, mais dans un contexte particulier ; il vient d’achever, avec son Orchestre de la Tonhalle de Zürich, une intégrale des symphonies de Mahler, l’un des modèles avoués des membres de la Nouvelle Ecole de Vienne, de Berg et de Schoenberg en particulier. C’est donc dans cet axe qu’il devrait présenter sa vision des Gurrelieder. On sait que son sens parfait de la balance rendra sonore les plus profondes complexités d’une écriture souvent saturée, on sait aussi que son sens de la narration en musique trouvera tout naturellement les chemins secrets de l’œuvre, sa poésie souvent morbide, son imaginaire étrange.

L’Orchestre de la Suisse Romande viendra doubler celui de la Tonhalle, une pléthore de chœurs, suisse, allemand et letton, feront bon poids, la distribution allèche (Christine Brewer, Stefan Gould, Petra Lang en ramier, le récitant de Wolfgang Schöne), et si vous êtes suisse en ce beau septembre vous pourrez les entendre soit à Montreux, soit à Lucerne. Espérons que le disque viendra documenter ces soirées.

Jean-Charles Hoffelé

Arnold Schoenberg : Gurrelieder
dir. David Zinman
Festival de Montreux, le 12 septembre
Festival de Lucerne, le 14 septembre 2010

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Photo : DR