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Thomas Zehetmair dirige La Création de Haydn à Notre-Dame - Radieux - Compte-rendu
Alors que Notre-Dame s'apprête à faire retentir pour les Rameaux ses huit nouvelles cloches (tour nord) et le nouveau bourdon Marie (qui a rejoint dans la tour sud le gros bourdon de 1686, Emmanuel), retrouvant ainsi la disposition d'avant la Révolution – les quatre cloches installées au XIXe siècle, d'un alliage de piètre qualité, n'avaient jamais donné satisfaction sur le plan de la justesse et du timbre –, la riche saison du jubilé se poursuit de grande manière : le 20ème anniversaire de Musique sacrée à Notre-Dame de Paris, parallèlement aux 850 ans de la cathédrale, confirme un cap solidement tenu et un sens des collaborations sur le long terme.
Pour fêter le premier anniversaire, jour pour jour, du nouveau nom de l'Ensemble Orchestral de Paris, créé en 1978 et devenu le 5 mars 2012 l'Orchestre de Chambre de Paris, une œuvre emblématique du répertoire d'oratorio était proposée deux soirs de suite à Notre-Dame, sollicitant les deux ensembles au maximum de leurs capacités : l'Orchestre en grande formation (une cinquantaine de musiciens) cependant que, préparée par Lionel Sow, la Maîtrise Notre-Dame de Paris (chœurs d'adultes et d'enfants), tout en faisant appel à nombre de choristes supplémentaires (tous anciens maîtrisiens), s'imposait incontestablement tel un grand chœur d'oratorio. Ces deux soirées étaient dirigées par le chef et violoniste autrichien Thomas Zehetmair (photo), chef principal et conseiller artistique de l'OCP – dont le premier chef invité est Sir Roger Norrington. La collaboration entre la cathédrale et l'orchestre n'en est pas à son premier coup de maître, Haydn ne faisant que confirmer une entente ayant précédemment permis d'applaudir, dirigés par John Nelson, la Messe en si mineur ainsi que (à deux reprises) la Passion selon saint Jean et la Passion selon saint Matthieu de Bach, Le Messie de Haendel, l'Oratorio de Noël de Camille Saint-Saëns et l'oratorio Elias de Mendelssohn, également L'Enfance du Christ de Berlioz et Le Dernier Évangile de Thierry Escaich.
Grande et chaleureuse parabole si pleine d'humanité, La Création était l'œuvre idéale, en cet hiver qui ne veut pas finir et sur fond de pessimisme ambiant que l'on voudrait tant pouvoir juger excessif, pour revigorer les sens et l'esprit d'une assistance conquise. Œuvre droite et infiniment séduisante, non sans quelques traits d'humour (superbement restitués, telle l'apparition du lion ou du tigre) de la part d'un compositeur ayant atteint une absolue liberté, c'est ainsi qu'elle fut dirigée par Thomas Zehetmair, d'une discrétion dans sa gestuelle inversement proportionnelle à l'énergie et à l'empathie manifeste dont il fit preuve durant ces presque deux heures de musique, les trois parties étant enchaînées. Une petite touche façon instruments anciens fut apportée par le pianoforte du continuo, tenu par Bruno Procopio, délicieusement audible dans le Récitatif de Raphaël évoquant les harpes des anges ou encore lorsqu'Ève fait allégeance à Adam…
Chacun d'une belle présence et d'un tempérament singulier, les trois solistes firent merveille : la soprano Sophie Karthäuser, archange Gabriel puis Ève, dynamiquement parfois très légèrement en retrait mais de part en part d'une aisance (longueur du souffle et précision des attaques et des traits ornementaux, pureté de la ligne vocale) et d'un style enchanteurs, tout particulièrement émouvante (et d'autant plus affirmée) dans l'ample et lumineux dialogue final avec Adam ; le ténor Werner Güra (entendu en 2011 à Notre-Dame dans le rôle de l'Évangéliste d'une autre saint Jean de Bach, dirigée par Reinhard Goebel), archange Uriel au timbre solaire et souplement projeté ; enfin le baryton Matthew Brook, archange Raphaël puis Adam, à la voix singulièrement sonore et d'une projection encore plus aisée dans l'immense espace, tour à tour plus que « nature » et profondément humain, excellent conteur allant vocalement à la rencontre de l'auditeur. Quant à l'équilibre entre orchestre et chœur, optimalement intégrés par Zehetmair, il se révéla confondant d'efficacité et de musicalité, la Maîtrise, tout comme l'Orchestre, s'illustrant par des qualités de cohérence et d'harmonie, de puissance et de discipline à la hauteur du défi de La Création. Une soirée radieuse et optimiste, à l'instar des ultimes et confiants Amen (il est vrai que le récit s'arrête avant que les choses ne se gâtent !), source inépuisable de félicité.
Michel Roubinet
Paris, Notre-Dame, 5 mars 2013
Sites Internet :
Musique Sacrée à Notre-Dame de Paris
http://www.musique-sacree-notredamedeparis.fr
Orchestre de Chambre de Paris
http://www.orchestredechambredeparis.com
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Photo : Jean-Baptiste Millot
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