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Tosca à l'Opéra de Marseille – Sans passion
Tosca à l'Opéra de Marseille – Sans passion
Dans l'un de ses sketches, le regretté Elie Kakou (Marseillais d’adoption) joue un professeur tentant de faire deviner à ses élèves le maître-mot d'un ouvrage de Stendhal - silence, perplexité, réponses évasives. "C'est le mot passion !" éructe le comique en voix de tête.
On pense inévitablement à la scène, en assistant à cette nouvelle Tosca marseillaise, qui ne déchaîne aucune passion, ni positive, ni négative.
Un léger parfum de scandale avait pourtant soufflé à l'annonce du choix de la diva, Adina Aaron : dans une interview donnée au Chicago Sun Times, celle-ci n'avait-elle pas attisé les braises d'une récente querelle en laissant entendre qu'une cantatrice d'opéra se devait, de nos jours, d'éviter les kilos superflus ?
Rassurons tout de suite Madame Aaron sur ce point : elle campe une Tosca incroyablement séduisante, parfaite de silhouette comme de port, et au jeu plutôt convaincant. En outre, le legato comme le timbre, qui possède ce soupçon de raucité qu'on trouvait chez d'autres sopranos de couleur (le souvenir de Leontyne Price s'impose), ne laissent pas indifférent. Mais il est dommage que la cantatrice ne s'appuie jamais véritablement sur le texte pour construire sa ligne et son personnage, préfère sinuer entre les consonnes que de les prononcer et, histoire de filer quelques pianissimi (acclamés), place souvent, comme au concert, l'aigu "en arrière".
Face à elle, deux messieurs aux atouts et défauts opposés : un ténor (Giorgio Berrugi, débutant in loco) aux couleurs homogènes, au chant châtié, précis, mais beaucoup trop prudent (un "Vittoria" bien peu explosif), voire scolaire (à l'Acte I) ; un baryton (le Mexicain Carlos Almaguer) puissant, efficace mais fruste et guère porté au cantabile. Autour d'eux, des comprimari masculins de haute tenue, particulièrement en ce qui concerne le Sacristain de Jacques Calatayud.
Mais si cette équipe plutôt probante nous procure si peu de frissons, on le doit probablement à la direction très retenue de Fabrizio Maria Carminati, qui somnole ou abuse d'alanguissements "straussiens" à l'Acte I et, tout en sachant créer de sombres climats (Te Deum, Prélude de l'Acte III), manque de sens des contrastes comme d'incisivité.
Pour sa mise en scène, Louis Désiré se réclame de l'esthétique cinématographique, ce qui nous vaut un usage assez habile de la scène tournante : celle-ci bouge pour signifier les déplacements des personnages - par exemple à l'intérieur de l'église Sant'Andrea ou du château Saint-Ange. La lecture du scénographe/costumier/décorateur reste par ailleurs des plus classiques - pour le meilleur en ce qui concerne l'esthétique du spectacle (beaux costumes Directoire ; décor assez évocateur du Palais Farnese), pour le pire en ce qui regarde la direction d'acteurs (les hommes ont bien du mal à trouver leurs marques et seule l'héroïne nous surprend en esquissant un suicide avant de poignarder Scarpia).
Le public applaudit à cette nouvelle production d'une œuvre qu'il adore.
S'en souviendra-t-il ? Rien n'est moins sûr...
On pense inévitablement à la scène, en assistant à cette nouvelle Tosca marseillaise, qui ne déchaîne aucune passion, ni positive, ni négative.
Un léger parfum de scandale avait pourtant soufflé à l'annonce du choix de la diva, Adina Aaron : dans une interview donnée au Chicago Sun Times, celle-ci n'avait-elle pas attisé les braises d'une récente querelle en laissant entendre qu'une cantatrice d'opéra se devait, de nos jours, d'éviter les kilos superflus ?
Rassurons tout de suite Madame Aaron sur ce point : elle campe une Tosca incroyablement séduisante, parfaite de silhouette comme de port, et au jeu plutôt convaincant. En outre, le legato comme le timbre, qui possède ce soupçon de raucité qu'on trouvait chez d'autres sopranos de couleur (le souvenir de Leontyne Price s'impose), ne laissent pas indifférent. Mais il est dommage que la cantatrice ne s'appuie jamais véritablement sur le texte pour construire sa ligne et son personnage, préfère sinuer entre les consonnes que de les prononcer et, histoire de filer quelques pianissimi (acclamés), place souvent, comme au concert, l'aigu "en arrière".
Face à elle, deux messieurs aux atouts et défauts opposés : un ténor (Giorgio Berrugi, débutant in loco) aux couleurs homogènes, au chant châtié, précis, mais beaucoup trop prudent (un "Vittoria" bien peu explosif), voire scolaire (à l'Acte I) ; un baryton (le Mexicain Carlos Almaguer) puissant, efficace mais fruste et guère porté au cantabile. Autour d'eux, des comprimari masculins de haute tenue, particulièrement en ce qui concerne le Sacristain de Jacques Calatayud.
Mais si cette équipe plutôt probante nous procure si peu de frissons, on le doit probablement à la direction très retenue de Fabrizio Maria Carminati, qui somnole ou abuse d'alanguissements "straussiens" à l'Acte I et, tout en sachant créer de sombres climats (Te Deum, Prélude de l'Acte III), manque de sens des contrastes comme d'incisivité.
Pour sa mise en scène, Louis Désiré se réclame de l'esthétique cinématographique, ce qui nous vaut un usage assez habile de la scène tournante : celle-ci bouge pour signifier les déplacements des personnages - par exemple à l'intérieur de l'église Sant'Andrea ou du château Saint-Ange. La lecture du scénographe/costumier/décorateur reste par ailleurs des plus classiques - pour le meilleur en ce qui concerne l'esthétique du spectacle (beaux costumes Directoire ; décor assez évocateur du Palais Farnese), pour le pire en ce qui regarde la direction d'acteurs (les hommes ont bien du mal à trouver leurs marques et seule l'héroïne nous surprend en esquissant un suicide avant de poignarder Scarpia).
Le public applaudit à cette nouvelle production d'une œuvre qu'il adore.
S'en souviendra-t-il ? Rien n'est moins sûr...
Olivier Rouvière
Puccini : Tosca - Marseille, Opéra, 15 mars, prochaines représentations les 18 et 20 mars 2015 / www.opera-marseille.fr
Photo © Christian Dresse / Opéra de Marseille
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