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«Tour du monde de Saint-Saëns » par Les Siècles au Festival Palazzetto Bru Zane à Paris – De l’art et du chic – Compte-rendu
Le Rouet d’Omphale (1871), Phaéton (1873), Danse macabre (1874), La Jeunesse d’Hercule (1877) : le genre du poème symphonique est depuis bien longtemps entré dans le habitudes du concert, mais il ne faudrait pas oublier que Saint-Saëns fit figure de pionnier — et même de révolutionnaire – à une époque où, s’inscrivant dans la lignée de Franz Liszt, il livra des pièces qui, hormis la Danse macabre, figurent bien rarement hélas au répertoire des orchestres français. Le bonheur n’est donc que plus grand de les entendre sous la direction de François-Xavier Roth (photo) dont on sait les affinités avec ce répertoire.
En plus de la séduction exercée par une écriture infiniment suggestive, les poèmes symphoniques montrent l’art de coloriste du compositeur au cours d'une période décisive pour la formation de son langage et l’essor de sa carrière (on se situe juste après la fondation de la Société Nationale de Musique en 1871, tournant décisif dans l’histoire de la musique française). La manière tout à la fois précise et évocatrice avec laquelle Roth aborde les partitions vient rappeler le maillon essentiel que Saint-Saëns constitue entre Berlioz et Ravel (qui a plus d’une fois dit son admiration et reconnu sa dette envers son aîné). Roth sait faire vibrer les timbres dans La Jeunesse d’Hercule (pas la plus immédiate des quatre pièces, mais extrêmement prenante ainsi menée), il donne à voir de la plus suggestive façon, mais sans jamais forcer le caractère ni céder à l'effet, dans Phaéton, Le Rouet d’Omphale et la Danse macabre (bravo au violon solo très stylé de François-Marie Drieux !).
Entre les quatre poèmes symphonique s’insèrent diverses pièces concertantes qui convoquent deux des solistes français les plus en vue du moment. D’un chic et d’une luminosité parfaites, Renaud Capuçon emporte l’Introduction et Rondo capriccioso et la Havanaise, toujours attentif aux détails que le chef s’attache à faire ressortir dans la trame orchestrale. L’entente n’est pas moins profonde entre Roth et Bertrand Chamayou. Le pianiste livre une interprétation ébouriffante de la redoutable fantaisie Africa, sur un magnifique Pleyel des années 1890, et nous embarque du côté de Louxor avec l’Andante du Concerto « L’Egyptien » aux teintes et aux fragrances entêtantes. On imagine l’effet que l’exotisme d’une telle pièce a pu produire sur l’auditoire de la toute fin du XIXe siècle ...
En conclusion d’une soirée qui bouscule – salutairement ! – le sacrosaint schéma concerto-symphonie, Roth distille subtilement la valse de l’opéra le Timbre d’argent, avec le concours d’une formation dont on ne saurait assez souligner la place singulière et essentielle dans le paysage des orchestres français.
Le 8e Festival Palazzetto Bru Zane n’en a pas fini avec Saint-Saëns : le 3 juillet, une version de concert de l’opéra-comique Phryné (avec Florie Valiquette, Anaïs Constant et Cyrille Dubois, sous la baguette d’Hervé Niquet) occupera l'affiche de l’Opéra de Rouen. (2)
Alain Cochard
(1) www.concertclassic.com/article/tugan-sokhiev-et-lorchestre-national-du-capitole-de-toulouse-inaugurent-le-8e-festival
(2)Phryné à l’Opéra de Rouen : www.operaderouen.fr/saison/20-21/phryne/
Paris, Philharmonie, 15 juin 2021 / 8ème Festival Palazzetto Bru Zane à Paris : bru-zane.com/fr/festival/8-festival-palazzetto-bru-zane-paris-2021/#
Photo © Marc Allen
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