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Tours - Compte-rendu : HoMo XeRoX de Claude Lenners

Dérives sectaires, manipulation mentales, éthique de l’expérimentation scientifique transparaissent en filigrane des pérégrinations d’un maître et de son disciple qui sont le prétexte d’HoMo XeRox, opéra en onze tableaux de Claude Lenners d’après Le Gai Savoir de Nietzsche. Parmi la distribution, on souligne la prestation exceptionnelle des comédiens Philippe Fauconnier (Le Maître) et Karim Hammiche (Son assistant) qui portent presque à eux seuls ce spectacle initiatique, ces rôles principaux étant exempts de toute partie vocale. La mise en scène plutôt statique de José Manuel Cano Lopez se borne à faire évoluer les impétrants (Le Maître, son disciple ainsi que les Chœurs de l’Opéra de Tours affublés de blouses d’aliénés) sur un plateau simili-laboratoire avec aquariums verdâtres et bouillonnants. Seuls quelques faisceaux lumineux traversant de part en part le théâtre contribuent à « déstructurer » l’espace tout en reliant scène et spectateurs, accentuant ainsi l’implication de ces derniers, souvent pris à parti par l’imprécateur.

Curieuse structure que celle de cet ouvrage lyrique porté par des récitants et dont le matériau musical se borne tout d’abord à quelques commentaires laconiques, sentences ponctuées par des rafales de cuivres crépitants, et qui semblent n’avoir pour seul objet que de ponctuer les déclamations du Maître et d’entretenir un climat de tension. Pourtant, au fil de l’ouvrage, ces interventions atonales, peu inventives rhytmiquement, évoquant un statisme alla Ligeti au chœur et la scansion orchestrale d’un Morton Gould à l’orchestre, finiront par s’agréger entre elles, gagnant du terrain sur la place accordée au livret rédigé par le compositeur luxembourgeois. Cet expansion de la présence orchestrale laissera la place une superbe Chaconne conclusive au violon seul dont Lyonel Schmit déploie magistralement les floraisons hésitant entre Bach et rythmes sud-américains. De Landowski (on pense à l’opéra Le Fou) à Scelsi, mêlant citations d’opéras et déclamations confiées à un sépulcral vocoder, Lenners offre une palette diversifiée et inventive mais ses balises mélodiques, souvent issues du même moule finissent parfois par lasser.

Opéra de Tours le 26 mars 2006

Nicolas Baron

Photos : François Berthon

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