Journal
Trois questions à Douglas Boyd, directeur musical de l’Orchestre de Chambre de Paris
On suit, depuis quelque temps, la montée en puissance de l’Orchestre de chambre de Paris (une belle Somnambule en écrin à la merveilleuse Sabine Devieilhe notamment, en avril dernier), formation à l’identité difficile et sur laquelle on se posait des questions. Elles ne sont pas toutes résolues (les vents n’y sont pas toujours des brises), mais l’arrivée (en septembre 2015) d’un chef à l’énergie et au potentiel de sympathie irrésistibles font qu’à grands pas, l’Orchestre se met au diapason d’un fougueux meneur d’hommes, et de ses ambitions. Très attaché à l’action citoyenne, que l’Orchestre pratique à un rythme très serré, passionné par l’action bénéfique que la musique peut exercer sur des jeunes peu familiarisés avec ses trésors, l’Ecossais Douglas Boyd, la cinquantaine, élevé au sein d’un système épanouissant, se bat avec force sur ce front et bien d’autres. Rencontre avec un personnage attachant - il a absorbé le français plus vite qu’il n’est d’usage avec les Anglo-Saxons... - qui s’apprête à diriger un programme Britten, Mozart et Brahms au Théâtre des Champs-Elysées, le 27 septembre, avec Cédric Tiberghien au piano.
A quand remonte votre premier contact avec l’orchestre ?
Douglas BOYD : Il y a environ trois ans, je les avais dirigés pour un concert et le courant est passé ! Aujourd’hui, notre osmose continue, et elle doit nous permettre de trouver un style, une identité, faire une musique qui nous permette de montrer toute la gamme des émotions. J’ai eu pour ce faire deux exemples fabuleux, deux maîtres suprêmes : d’abord Nikolaus Harnoncourt, qui était un véritable révolutionnaire, notamment pour les cordes. J’ai travaillé avec lui pendant vingt ans à l’Orchestre d’Europe où j’étais hautbois solo, et me suis imprégné de sa rhétorique, qui lui faisait trouver une sorte de transparence dans la musique et en même temps lui donner sa fantaisie. Il fallait à ses yeux faire une musique pour aujourd’hui, et non chercher à retrouver systématiquement le passé. Je me sens le devoir de continuer cette philosophie. L’autre grand, mon autre chance, fut de travailler aussi sous la direction de Claudio Abbado, à l’opposé. Lui parlait peu, mais c’était de l’ordre de la magie. Je me souviens de la première répétition que j’ai eue avec lui, pour la 7e de Bruckner. En une seconde, la sonorité de l’orchestre a complètement changé ! Ces aventures exceptionnelles ont créé des liens forts et je vois toujours mes amis de l’Orchestre de Chambre d’Europe.
Cédric Tiberghien, soliste du concert de l'OCP le 27 septembre an TCE © Jean-Baptiste Millot
Vos modèles et vos envies pour l’orchestre de chambre de Paris ?
D.B. Je leur dis et je pense qu’ils peuvent être l’une des meilleures formations du monde. Il suffit de le vouloir. Ici par chance, nous avons la possibilité d’avoir plus de répétitions que ce que j’ai connu en Angleterre : c'est-à-dire deux fois, plus la générale. En Angleterre, le rythme est infernal et les répétitions à peine existantes. Les gens n’ont pas de temps, ils courent d’un lieu à l’autre pour remplir leurs diverses missions. Je voudrais donc donner à cet orchestre français plus de réactivité. Là, ils sont 43, avec une majorité de Français, mais il y a eu de nombreux changements à l’intérieur de l’orchestre, et les nouveaux arrivants revivifient l’ensemble. Du coup, un bel élan les anime, et j’apprécie leur tonicité. Mais j’aime passionnément cette idée de construire quelque chose avec un orchestre. L’ouverture de la saison prochaine, le 27 septembre, sera d’ailleurs un hommage à la jeunesse : à commencer par celle des compositeurs, puisque la Sinfonietta de Britten fut sa première œuvre, tandis que Brahms avait 25 ans pour sa 1ère Sérénade et Mozart bien moins pour ses 5e et 6e Concertos pour piano.
Quelles sont vos préférences dans le répertoire ?
D.B. Il est certain que je suis particulièrement à mon aise avec Haydn et Mozart. Diriger la Création ou Les Saisons est pour moi l’absolu du bonheur. J’ai d’ailleurs mis Les Sept dernières paroles du Christ en croix au programme l’an prochain, le 15 avril. Mais Haydn est difficile à recréer, quoi que l’on pense. Il n’inscrit comme indications que piano ou forte, et il faut remplir les vides. Il y aura aussi Fidelio que j’adore, avec une mise en espace, le 24 novembre. Il est certain que disposer de trois salles telles que le Théâtre des Champs-Elysées et les deux de la Philharmonie, outre la salle Cortot pour des séances plus intimistes et l’invitation du Festival de Saint-Denis nous donne des ailes. En outre, l’orchestre a des envies, des idées, et tout se fait dans la concertation. Pour ma part, je crains toujours d’être enfermé dans une étiquette de chambriste, mais j’éprouve aussi une grande passion pour l’opéra. La programmation lyrique de l’OCP en temoigne, tout comme le Garsington Opera, festival qui existe depuis 27 ans dans le Oxfordshire et que je dirige. J’aime de multiples formes, sans parler du football, mais ceci est une autre histoire !
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 15 avril 2016
(1) www.garsingtonopera.org
Orchestre de Chambre de Paris
Œuvres de Britten, Mozart et Brahms
27 septembre 2016 – 20h30
Orchestre de Chambre de Paris : www.orchestredechambredeparis.com
Photo Douglas Boyd © Jean-Baptiste Millot
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