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Trois Questions à Maxence Larrieu et Sibel Pensel, Président du Jury et Directrice du Concours international de flûte Maxence Larrieu Nice – Un concours à l’écoute des musiciens
Du 21 au 26 octobre, comme tous les quatre ans depuis 2007, Nice va pendant quelques jours devenir capitale mondiale de la flûte traversière avec le Concours International Maxence Larrieu (photo). Une 5e édition qui prend un relief particulier car elle s’accompagne de la célébration des 90 ans du maître français, véritable légende de l’instrument dont le nom et l’enseignement rayonnent dans le monde entier. La finale du 26, accompagnée par l’Orchestre Philharmonique de Nice et Lionel Bringuier pour le Concerto de Jacques Ibert et par trois solistes de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo pour les quatuors de Mozart, marquera le terme d’une compétition où beaucoup de nouveautés apparaissent. On a à ce propos interrogé Sibel Pensel, initiatrice et directrice du Concours, et Maxence Larrieu, que l’on retrouvera à la présidence du jury, entouré de Matthieu Gauci-Ancelin, Julien Beaudiment, Jasmine Choi, Matvey Demin, Adriana Ferreira et Herman Van Kogelenberg
Dans quel esprit le Concours International de flûte Maxence Larrieu Nice a-t-il été fondé ? Quelle a été son évolution depuis 2007 ?
Sibel PENSEL : Le Concours de flûte Jean-Pierre Rampal à Paris a malheureusement disparu, la compétition niçoise est donc la seule du genre en France. Un pays dont l’école de flûte pendant des décennies, voire même des siècles, a rayonné dans le monde. Il y avait vraiment un grand intérêt à maintenir un concours international de flûte en France. Je suis à l’origine du concours, par le biais de l’association À Travers la Flûte ; je l’ai voulu très à l’écoute des musiciens, pour changer un peu de ces grands concours internationaux où les candidats ne sont en quelque sorte que des « numéros ». Être à l’écoute, vous dis-je, et même presque au service de candidats qui viennent s’épanouir, montrer leur talent, se faire entendre par des représentants éminents de l’école française de flûte et des instrumentistes du monde entier.
Le 1er Concours international en 2007 avait d’emblée attiré des flûtistes parmi les meilleurs au monde : le Français Loïc Schneider (1er Prix), qui est depuis 2009 première flûte solo de l’Orchestre de la Suisse Romande ; l’Italien Matteo Evangelisti (2e Prix), flûte solo à l’Opéra de Rome depuis 2010, et le Russe Denis Bouriakov (3e Prix), qui est devenu deux ans plus tard flûte solo du Metropolitan Opera, pour ensuite passer au Los Angeles Philharmonic.
Le niveau des candidats est demeuré aussi élevé lors des 2e, 3e et 4e Concours. Le changement avec la 5e édition tient à son caractère beaucoup plus médiatisé grâce à la venue de mécènes privés (1). Ils ont eu à cœur de s’investir dans un concours qui représente l’école française et permet à de jeunes musiciens de se produire devant des experts et de bénéficier de l’attention des médias et de l’écho offert par les réseaux sociaux.
C’est aussi le moyen d’attirer l’attention sur Nice avec une compétition qui porte le nom de celui qui a été mon professeur au Conservatoire National Supérieur de Lyon et au Conservatoire de Genève (Maxence Larrieu a enseigné à Lyon de 1980 à 1994 et à Genève de 1977 à 2000 ndlr). Pendant des décennies Maxence Larrieu a accueilli dans sa classe des étudiants venus de partout ; on les retrouve aujourd’hui dans le monde entier. Son nom cautionne beaucoup l’école française de flûte à l’échelle internationale et notamment le Concours. Ce qui explique le très haut niveau de candidats désireux de se produire devant ce grand maître.
D’un point de vue numérique, nous avons eu environ 130 candidatures lors de la 1ère édition, 100-110 pour les trois suivantes. Quant à la 5e édition, elle explose les compteurs : nous avons en effet reçu 191 dossiers, chiffre absolument énorme ! Et de 38 nationalités différentes, parmi lesquelles une forte proportion de Coréens. Rien d’étonnant à cela car les professeurs de flûte à Séoul sont pour nombre d’entre eux d’anciens élèves de Maxence : l’école française de flûte rayonne en Corée !
Maxence LARRIEU : Je suis avec Jean-Pierre Rampal et Alain Marion, un ancien élève du père de Jean-Pierre, Joseph Rampal (1895-1983). À propos d’Asie, en 1960, un an avant Jean-Pierre Rampal, j’ai été le premier à venir au Japon et j’y suis par la suite retourné une centaine de fois et y ai été je pense le flûtiste français le plus connu. J’ai eu l’occasion d’y jouer avec Jean-Pierre Rampal ou avec d’autres flûtistes, tel András Adorján, et d’y réaliser des enregistrements. J’ai aussi enseigné à Tokyo (dans les Universités de Geidai et Musashino). Le Japon a été une très belle expérience, en tant que soliste aussi bien que professeur. Je dois vous avouer que, quand on voit le « rush » asiatique qui se produit sur tous les instruments, et sans en faire une question de chauvinisme, je ne voulais pas que le concours qui porte mon nom devienne un concours asiatique. Grâce à Sibel, nous sommes parvenus à un certain équilibre dans la répartition entre les différentes nationalités.
Qu’y a-t-il de nouveau dans l’organisation du 5e Concours ?
S. P. : La première chose importante à souligner est que le 2e Tour, qui se tiendra les 21 et 22 octobre, sera consacré uniquement au répertoire français. Les candidats devront choisir deux pièces du répertoire dans la liste qui leur est proposée et tous interpréter une pièce que le concours a commandée à la jeune compositrice Elise Bertrand, Monochromes pour flûte et piano, qui sera donc co-créée par les 23 candidats présents à Nice. À propos de commande, il faut rappeler que Guillaume Connesson a écrit Kaptara, pour flûte solo, qui figurait parmi les deux pièces imposées pour le 1er Tour en ligne – il s’est déroulé du 12 au 27 juillet ; 67 candidats y ont participé.
Outre ce 2e Tour entièrement français, le 5e Concours innove sur un autre point : le Programme Artistique. C’est assez compliqué à mettre en place mais nous avons pris le pari de le faire : à la fin de la demi-finale du 24 octobre, les 8 candidats encore en lice viendront montrer leur visage artistique, leur capacité à faire autre chose que du répertoire classique. Nous verrons quels seront les 8 retenus parmi les 23 candidats. Les idées abondent en tout cas ; certains veulent venir avec un accordéoniste, avec un danseur, un quintette à vent, etc.
Il faut noter que si le jury principal suit le concours de la première à la dernière épreuve, le Projet Artistique a un jury spécifique de treize membres, où l’on trouve des flûtistes mais aussi des directeurs de festival qui pourront proposer des engagements à tel ou tel. Le but de l’épreuve de Projet Artistique est de pousser les candidats à montrer leur créativité, leur personnalité. Être un bon flûtiste, ou un bon pianiste, n’est pas suffisant aujourd’hui pour faire une belle carrière ; il faut avoir plusieurs cordes à son arc et être capable de s’adapter à toutes les situations et de proposer des projets variés.
Pour poursuivre avec les nouveautés, à l’issue du 2e Tour, un prix spécial sera attribué par les professeurs des conservatoires et écoles de musique de la francophonie qui pourront suivre l’épreuve à Nice ou en ligne. De la même façon, un Prix Jeune Espoir sera décerné par un jury composé de jeunes mélomanes et flûtistes âgés de 12 à 25 ans. C’est Emmanuel Pahud qui se chargera de le remettre lors de la cérémonie des prix.
Venons-en pour conclure au « Festival du Concours Maxence Larrieu » (organisé en partenariat avec l’association La Traversière et l’association Jean-Pierre Rampal), qui se déroulera parallèlement à la compétition, avec en particulier la journée du 25 octobre, consacrée à votre 90e anniversaire ...
M. L. : Un anniversaire qui sera d’ailleurs fêté avec quarante-huit heures d’avance car il tombe en fait le 27 octobre. Je reçois des appels de partout dans le monde et je sais que de nombreux élèves viendront à Nice pour fêter mes 90 ans. La journée du 25 sera marquée par un concert de gala avec les membres du jury, des concerts d’anciens étudiants, la venue de professeurs de la région Sud, de Marseille à Menton. On aura aussi des masterclasses, des ateliers pour les enfants et une grande conférence-concert. Je me réjouis en outre de la présence d’Emmanuel Pahud à Nice. Ce n’est pas un de mes élèves – il a étudié auprès d’Aurèle Nicolet – mais nous sommes très amis ; il mène une immense carrière, bien méritée d’ailleurs. J’ai suffisamment d’élèves qui sont à des postes importants, que ce soit à la Scala de Milan, à l’Accademia Santa Cecilia de Rome, à Los Angeles, à New York, à Boston, en Allemagne, en Suisse, en Belgique. Ma classe de virtuosité au Conservatoire de Genève avait un caractère très international. Parallèlement au Concours proprement dit, qui s’adresse à des flûtistes de très haut niveau (et est particulièrement bien suivi partout dans le monde, via internet et les réseaux sociaux) nous cherchons à profiter de l’événement pour attirer un public de jeunes flûtistes et, plus simplement, de jeunes auditeurs afin de leur faire découvrir le classique et l’univers des instruments à vents.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 5 octobre 2024
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(1) Parmi les partenaires, mécènes et sponsors dont bénéficie le Concours international Maxence Larrieu 2024, il convient de mentionner : Ville de Nice, Conservatoire de Nice, Orchestre Philharmonique de Nice ; Richard et Amélie Séguin (Seguin Fides Charitable Trust), Michèle et Maxence Larrieu, Joséphine et Xavier Moreno, Didier Laclau-Barrière ; Association La Traversière, Association Jean-Pierre Rampal, Pearl, Miyazawa, Yamaha, Parmenon, Sankyo, Powell, Haynes. ( concourslarrieu.com/mecenes-et-sponsors/ )
5ème Concours international de flûte Maxence Larrieu Nice
Du 21 au 26 octobre 2024
concourslarrieu.com/
Festival du Concours Maxence Larrieu
Du 23 au 26 octobre 2024
concourslarrieu.com/festival-du-concours-larrieu/
Photo Maxence Larrieu © DR
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