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Trois Questions à Thomas Hampson, baryton – «J’aime descendre profondément dans la psychologie des personnages »
Evénement musical de la fin de saison, l’entrée au répertoire de l’Opéra de Paris du Roi Arthus d’Ernest Chausson (cent douze ans après la création bruxelloise de l'ouvrage ! ), est aussi l’occasion pour le public de retrouver l’un de ses héros d’opéra favoris : Thomas Hampson, le grand cow-boy qui a tant fait pour l’art lyrique des deux côtés de l’Atlantique, y incarne la figure légendaire du preux. Son baryton clair et velouté, sa présence souverainement élégante, la clarté et la subtilité de sa diction ont éclairé tous les répertoires qu’il a abordés. Il revient dans le nôtre.
Cela fait longtemps que l’on ne vous avait pas entendu à l’Opéra de Paris ?
Thomas HAMPSON : C’est vrai, douze ans, et je suis heureux de retrouver ce plateau et de travailler avec Philippe Jordan. J’ai donné des concerts à Paris, j’ai chanté au Châtelet, où j’ai de merveilleux souvenirs, mais il y a longtemps que je n’ai pas joué à l’Opéra. Pour moi, cette œuvre que je chante pour la première fois est un superbe pari. Il y a tant de préjugés, de clichés autour de Chausson : certes c’est une écriture post-wagnérienne, alors que Debussy apporta un changement radical, mais tant d’autres sont post- wagnériens, comme Delius, ou Sibelius. Son langage est intensément lyrique, magnifique à chanter, et l’œuvre offre une vision extrêmement personnelle de Chausson sur le Roi Arthur : elle s’appuie sur les valeurs de la chevalerie, sur un idéal de transcendance de soi à partir de l’honneur et de la discipline. J’adore le caractère de ce personnage, qu’on rapproche à tort du Roi Marke dans Tristan et Isolde.
Quant à la musique française, je l’ai beaucoup pratiquée, à l’exception de Berlioz, dont je n’ai chanté que des mélodies. J’ai beaucoup fréquenté Gounod et Bizet, Massenet et Ambroise Thomas, Offenbach bien sûr, et j’adore Saint-Saëns, Duparc, ou Fauré. J’aime les intonations de cette langue, même si je la parle horriblement mal. Et malgré les différences marquées, je lui trouve une caractéristique constante: car quand on la chante, on mesure combien la relation de la musique et des mots y est forte. Ainsi l’allemand veut exprimer, tandis que le français veut être expressif, et que l’italien extériorise la force de l’individu.
Comment vous intégrez vous à la mise en scène de Graham Vick ?
T.H. : Certes elle est moderne, mais je ne proteste jamais quand on s’en tient à une lecture plus contemporaine sans pour autant dénaturer l’original. Je suis très heureux de travailler avec Graham Vick, qui avait mis en scène le Parsifal dans lequel j’ai incarné Amfortas à l’Opéra Bastille, en 2001, mais là il n’avait fait que venir voir le spectacle, créé avant que je n’y participe. Puis nous avons fait Otello à Zurich ensemble et c’était formidable de se laisser guider par lui. Vous savez, j’aime par-dessus tout travailler un rôle, descendre profondément dans la psychologie des personnages, et comprendre le regard d’un metteur en scène sur l’œuvre. Vick pour Arthus, s’écarte de la période médiévale proprement dite mais il s’y réfère et il en extrait l’essentiel avec quelques symboles forts et très simples. Je n’ai jamais appris à jouer, et c’est de toute façon très différent au théâtre et à l’opéra, mais des metteurs en scène de talent, comme Luc Bondy, vous aident à vous servir intelligemment de votre corps, à raconter une histoire avec lui, et à utiliser au mieux votre potentiel de concentration. Et puis, je retrouve mon ami Roberto Alagna, avec lequel j’ai toujours eu une formidable complicité.
Votre carrière s’est ouverte vers de nombreux horizons, de Posa et Amfortas au lied et aux mélodies populaires américaines, quelle direction prend-elle aujourd’hui ?
T.H. : Je reste attaché à une multiplicité de formes, et il est vrai qu’explorer l’énormité du patrimoine des Etats-Unis m’a permis de faire résonner la diversité des origines du peuple américain, l’énormité de sa créativité. Les écouter conduit à se replonger dans la vérité d’un temps ou d’un lieu. Mais j’adore passer de La Veuve joyeuse comme je vais le faire bientôt à Chicago, à une création contemporaine, celle du jeune compositeur tchèque Miroslav Snrka, South Pole, qui aura lieu à l’Opéra de Bavière le 30 janvier 2016. Et j’ai quelques rêves encore non comblés, Hans Sachs, Falstaff que j’adore, (il n’en a pas la silhouette, ndlr) et puisque nous parlons de musique française, le bouleversant Golaud que je n’ai jamais incarné. Pour le reste, j’enseigne à Munich, je vais en vacances en Autriche, d’où ma femme est originaire, j’ai mes enfants et mon charmant gendre, Luca Pisaroni, et bien sûr, le golf !
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 28 avril 2015
Chausson : Le Roi Arthus
16, 19, 22, 25, 28 mai, et 2, 5, 8, 11, 14 juin 2015
Paris - Opéra Bastille
www.concertclassic.com/les-prochains-concerts?fulltext_search=Le+Roi+Arthus
A écouter, le coffret Autograph, survol de la riche discographie de Thomas Hampson, paru pour fêter ses soixante ans - 12 CD Warner classics (0825646190454)
Photo © Kristin Hoebermann
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