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Turandot à l’Opéra Bastille – Oratorio nippon – Compte-rendu
Turandot à l’Opéra Bastille – Oratorio nippon – Compte-rendu
Un immense fond d’œil rouge sang surveille le public entrant en salle. Il est la lune sanglante autant que l’implacable regard de la princesse frigide. Cette vision saisissante prélude aux belles images que Bob Wilson produit depuis quelques décennies. Silhouettes de la foule sur fond bleu, opposition entre le rouge impérial de Turandot et les masques de céruse de Calaf et ses proches. Les gardes portent des armures de samouraïs, le peuple a revêtu de longues tuniques qui renvoient autant à la Chine qu’au Japon. Comme d’habitude, on songe au théâtre nô et aux silhouettes pharaoniques. Hélas on entre désormais en Wilsonie comme on va au musée, on sait ce que l’on va voir tout en sachant ne plus jamais être surpris.
© Charles Duprat -OnP
C’est bien la limite de cette production venue du Teatro Real de Madrid. Le hiératisme bride l’émotion et le monolithisme revendiqué empêche le déploiement des masses chorales. Or Turandot est un opéra de mouvements de foules et de chœurs. Bien qu’excellent, il restera ici sans relief. Dans un cadre aussi contraint, le soliste vocal est très exposé. Privée de toute incarnation, la voix est nue. Si la Liu de Quanqun Yu révèle un fruité exquis où la sureté de l’émission le dispute au moelleux des couleurs, on la sent engoncée dans cette gestuelle robotique. Mangée par le trac lors de son premier air, elle a su sublimer cette fragilité, ce qui lui a valu les acclamations de la salle. Timur séduit avec son timbre granitique et bien posé. L’Altoum de Carlo Bosi, installé sur une balançoire quatre mètres au-dessus de la scène, ne dépare pas.
C’est bien la limite de cette production venue du Teatro Real de Madrid. Le hiératisme bride l’émotion et le monolithisme revendiqué empêche le déploiement des masses chorales. Or Turandot est un opéra de mouvements de foules et de chœurs. Bien qu’excellent, il restera ici sans relief. Dans un cadre aussi contraint, le soliste vocal est très exposé. Privée de toute incarnation, la voix est nue. Si la Liu de Quanqun Yu révèle un fruité exquis où la sureté de l’émission le dispute au moelleux des couleurs, on la sent engoncée dans cette gestuelle robotique. Mangée par le trac lors de son premier air, elle a su sublimer cette fragilité, ce qui lui a valu les acclamations de la salle. Timur séduit avec son timbre granitique et bien posé. L’Altoum de Carlo Bosi, installé sur une balançoire quatre mètres au-dessus de la scène, ne dépare pas.
© Charles Duprat - OnP
La profondeur de la salle de Bastille ne convient en revanche pas au ténor gallois Gwyn Hugues-Jones. Petite émission, manque de projection, aigus sans évidence, Calaf n’est pas taillé pour ce pourtant estimable verdien et son Nessun Dorma ne suscite aucune réaction du public. La projection ne fait en revanche pas défaut à la wagnérienne Elena Pankratova (photo), remarquée pour ses Kundry à Bayreuth. Surarmée pour lancer les lames de « In questa reggia », son médium séduit davantage dans les (quelques) minutes plus intimes du duo final.
L’attention visuelle est surtout retenue par le trio des ministres traité comme une antithèse au reste du spectacle. A force de gambades, pirouettes et gestes clownesques, ils sont le contrepoint de cette vision oratorio, comme un clin d’œil aux singes de la sagesse aujourd’hui si prisés des émojis et autres émoticons. Mais chacun doit s’adapter aux exigences de cette théâtralité millimétrée et Matthew Newlin, par ailleurs admirable dans Haendel et Mozart, est celui qui s’y glisse le mieux.
Gustavo Dudamel a évidemment attiré les feux de la rampe et les vivats. Sa rencontre avec la phalange de l’Opéra commence en effet à donner de beaux fruits. Les détails des pupitres et la somptuosité des couleurs sont de belle facture, même si la passion et le lyrisme n’ont guère été au rendez-vous. Le sang de la princesse de glace est resté froid et nous sur notre faim. Mais le meilleur est assurément à venir.
La profondeur de la salle de Bastille ne convient en revanche pas au ténor gallois Gwyn Hugues-Jones. Petite émission, manque de projection, aigus sans évidence, Calaf n’est pas taillé pour ce pourtant estimable verdien et son Nessun Dorma ne suscite aucune réaction du public. La projection ne fait en revanche pas défaut à la wagnérienne Elena Pankratova (photo), remarquée pour ses Kundry à Bayreuth. Surarmée pour lancer les lames de « In questa reggia », son médium séduit davantage dans les (quelques) minutes plus intimes du duo final.
L’attention visuelle est surtout retenue par le trio des ministres traité comme une antithèse au reste du spectacle. A force de gambades, pirouettes et gestes clownesques, ils sont le contrepoint de cette vision oratorio, comme un clin d’œil aux singes de la sagesse aujourd’hui si prisés des émojis et autres émoticons. Mais chacun doit s’adapter aux exigences de cette théâtralité millimétrée et Matthew Newlin, par ailleurs admirable dans Haendel et Mozart, est celui qui s’y glisse le mieux.
Gustavo Dudamel a évidemment attiré les feux de la rampe et les vivats. Sa rencontre avec la phalange de l’Opéra commence en effet à donner de beaux fruits. Les détails des pupitres et la somptuosité des couleurs sont de belle facture, même si la passion et le lyrisme n’ont guère été au rendez-vous. Le sang de la princesse de glace est resté froid et nous sur notre faim. Mais le meilleur est assurément à venir.
Vincent Borel
Puccini : Turandot – Opéra Bastille, le 7 décembre ; prochaines représentations les 10, 13, 16, 19, 22 et 26 décembre 2021 // www.operadeparis.fr/saison-21-22/opera/turandot
Photo © Charles Duprat - OnP
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