Journal
Turandot à l’Opéra de Montpellier – Vision ensorcelante – Compte-rendu
L’Opéra de Montpellier reprend la production de Turandot que Yannis Kokkos (qui signe également les décors et les costumes) avait présentée en 2013 à l’Opéra national de Lorraine. A mille lieues d’un Extrême-Orient de pacotille, la scénographie sobre, fonctionnelle, à deux niveaux, où dominent les couleurs sombres et écarlates, rend ce spectacle ensorcelant par sa rigueur calligraphique et sa compréhension de l’âme de la Chine ancienne.
En Turandot, Katrin Kapplusch use sans excès de la tessiture de soprano dramatique avec toute la froideur qui convient à la princesse intouchable. Aigus puissants, belle ligne de chant, rondeur du medium, elle incarne un personnage hautain et ne se laisse pas gagner par la sensibilité dans la scène finale. La Liù de Mariangela Sicilia, au contraire, touche par sa simplicité et un sentiment tragique immédiatement perceptible ; son chant aérien alterne fraîcheur et pathétique. D’une solidité à toute épreuve, Rudy Park campe un Calaf taillé dans le roc : physique d’athlète, il en impose également par un chant de stentor (« Ti voglio ardente d’amor » à l’acte II) capable toutefois de se soumettre quand il le faut aux nuances pucciniennes. Gianluca Buratto impressionne en Timur, Eric Huchet propose un Altoum d’une profonde humanité, et Florian Cafiero se montre parfaitement crédible en mandarin. Quant aux ministres (Ping de Changhan Lim, Pang de Loïc Félix et Pong d’Avi Klemberg), comédiens hors pair, ils forment un trio homogène, à la fois drôle et mélancolique.
Michael Schønwandt © Marc Ginot
Formidable chef lyrique, Michael Schønwandt – actuel directeur musical de l’Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon (1) – s’empare de l’ouvrage avec l’expérience qu’on lui connaît. Sans jamais sacrifier au spectaculaire, il sait doser les équilibres entre fosse et plateau, imposer une tension permanente et se montre attentif à la subtilité des timbres de l’Orient sonore puccinien. Les Chœurs de l’Opéra national de Lorraine et de l’Opéra national de Montpellier et celui de l’Opéra Junior de Montpellier, par leur présence et leur efficacité, animent avec bonheur les scènes de foule. Succès public et applaudissements sans fin pour un spectacle très abouti.
Changement complet de répertoire le mois prochain sur la scène du Corum puisqu'on l'on y découvrira (les 16, 18 et 20 mars) une nouvelle production de Geneviève de Brabant d'Offenbach dans une mise en scène de Carlos Wagner.
Michel Le Naour
(1) Cette Turandot est la première production lyrique que le maestro danois dirige à Montpellier depuis sa nomination.
Puccini : Turandot - Montpellier, Le Corum, 9 février 2016
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