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« Un jeu sur la face cachée du puritanisme »Trois questions à Richard Brunel, metteur en scène
Coproduction de l’Opéra Comique et de l’Opéra de Rouen Haute-Normandie, Albert Herring, opéra de chambre de Britten créé à Glyndebourne en 1947, sera présenté du 13 au 17 février à Rouen et du 26 février au 8 mars à Paris dans une mise en scène de Richard Brunel et sous la baguette de Laurence Equilbey avec Allan Clayton dans le rôle titre. Richard Brunel (photo) répond aux questions de Concertclassic.
Qu’appréciez-vous particulièrement dans Albert Herring, ouvrage méconnu du public français ?
Richard Brunel : En tant qu’homme de théâtre, je suis très sensible à la qualité de la dramaturgie, à la richesse des personnages et des situations. C’est le cas aussi bien dans la caractérisation du monde « ancien », représenté par les notables, que dans celle de la jeunesse qu’incarnent Albert Herring et les jeunes gens. Tout l’enjeu pour le metteur est de se saisir de ces propositions musicales ; de personnages inscrits dans la musique pour apporter une complexité, une richesse qui sont déjà très présentes dans la partition de Britten.
Quelle vous paraît être l’idée centrale d’Albert Herring ?
R.B. : Ce qui me paraît essentiel est tout ce qui est lié à la tentative de naître. Il s’agit de l’histoire d’un individu qui est tout à coup porté au pinacle par une société, qui devient une icône et qui, parce qu’il ne coïncide pas avec l’image que la société attend de lui, est rejeté et nié. Albert Herring tente d’exister par lui-même en étant très lucide sur ses origines, en ne rejetant pas forcément son milieu, mais en étant conscient du monde dont il est issu.
En termes complètement narratif, on découvre un jeune homme qui apprend à sortir de chez lui, qui « fait le mur » - car dans le spectacle il y a un mur -, qui sort de son trou, pour aller très vite.
Quelle voie avez-vous choisie pour donner une actualité à l’argument d’Albert Herring ?
R.B. : Il y a un humour intrinsèque à ce qu’a fait Britten pour les Anglais au moment où il l’a fait (des citations très précises d’événements, de personnes, de lieux, etc.). Il a été important pour moi et pour Laurence Equilbey d’essayer de se dire : et si ça se passait aujourd’hui, dans une société comme on en trouve aux Etats-Unis, une de ces gated communities avec un système d’observation et de surveillance. C’est une manière de parler d’un monde qui a peur de sa jeunesse, de la mutation de sa jeunesse, sans pour autant faire des gens qui ont peur des rétrogrades, car ce sont des gens complètement dans leur temps, mais qui ont en même temps peur de la jeunesse. En terme d’espace, nous avons travaillé sur un quartier résidentiel duquel est issue Lady Billows, l’organisatrice de la célébration, ce que l’on pourrait aujourd’hui appeler Star Ac’ de la vertu.
La mise en scène comporte tout un travail de jeu avec les chanteurs. On trouve des personnages extrêmement vivants, avec de la pudeur, mais d’une vraie liberté corporelle. Je pense au personnage de Sid que joue Leigh Melrose et à celui de Nancy incarné par Julia Riley qui sont très libres dans l’espace, avec des costumes colorés – une sorte d’éveil du printemps. De l’autre côté, on trouve des notables qui essaient d’empêcher le charnel et le sensuel et se situent dans une sorte d’austérité, de surveillance puritaine. Ceci passe par un système de caméras de vidéosurveillance. Pour prendre un exemple : au moment où ils décident de choisir le roi de Mai car ils ne trouvent pas de filles assez vertueuses, ils regardent sur des vidéos combien les jeunes filles sont absolument irrecevables au concours. La situation est paradoxale, c’est le propre du puritanisme : d’un côté on ferme, de l’autre on est voyeur, on regarde ce qui est interdit. Il s’agit d’un jeu sur la face cachée du puritanisme, pourrais-je dire.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 5 février 2009
Benjamin Britten : Albert Herring. Du 13 au 17 février 2009. Opéra de Rouen-Haute Normandie.
Du 26 février au 8 mars 2009. Paris - Opéra Comique.
> Programme détaillé de l’Opéra Comique
> Les prochains opéras de Britten en France
Photo : DR
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