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Une interview de Jean-Paul Gasparian – Le piano sans exclusive
Votre parcours impressionne par une étonnante maturité. Comment l’expliquez-vous ?
Jean-Paul GASPARIAN : Mes parents musiciens (ma mère enseigne le piano et mon père compose) ont décelé chez moi des potentialités dès l’âge de six ans. Cela m’a conduit à suivre un cursus classique en piano au CNSMD de Paris où je suis entré à l’âge de quinze ans, dans la classe de Jacques Rouvier qui m’a appris le respect du texte et du style, la grammaire de la musique, l’aisance gestuelle. Ensuite, j’ai reçu les conseils de Michel Béroff ou Laurent Cabasso et participé à des sessions en musique de chambre, avec Claire Désert et François Salque entre autres. Actuellement, à Fiesole où je me rends régulièrement, je me perfectionne auprès de la grande soliste et pédagogue géorgienne Elisso Virssaladze qui m’apporte beaucoup sur le plan de l’approche du clavier. En même temps, j’ai été admis en troisième cycle au CNSM pour un diplôme approfondi où je retrouve Claire Désert et Michel Dalberto et je viens d’être accueilli en résidence à la Fondation Singer-Polignac. Autant d’expériences qui contribuent à mon évolution artistique.
Quelles places réservez-vous aux concours ?
J-P. G. : J’ai participé assez tôt à un certain nombre de compétitions internationales, ce qui m’a permis non seulement de préparer en les œuvres programmées, mais aussi de réfléchir aux tenants et aboutissants de ces expériences, bonnes ou mauvaises. J’ai obtenu un certain nombre de Prix dès 2009 (à Flame le Premier Grand Prix, un Troisième Prix en 2013 à Hastings, en 2014 un Prix spécial de la Fondation AVC Charity à Piano Campus à Pontoise, et surtout la même année le Concours Européen de Brême). Cela ne constitue pas une fin en soi. Je n’ai pas l’intention de m’enfermer dans cette logique et privilégie les concerts et l’enrichissement du répertoire. Cela dit, je ne rejette pas le challenge que représente le concours.
Quel répertoire privilégiez-vous ?
J.-P. G. : A vrai dire je ne me limite pas à une période donnée. J’interprète toujours avec le même bonheur les œuvres de notre temps mais je ne veux pas me cantonner et me spécialiser. J’éprouve tout autant de satisfaction avec Debussy, Ravel, avec la musique de Liszt, Schumann, Chopin et bien sûr Beethoven - auquel d’ailleurs se réfèrent bien des compositeurs d’aujourd’hui.
Quels sont les pianistes qui vous ont particulièrement marqué ?
J.-P. G. : Maurizio Pollini m’a impressionné dès mon enfance non seulement par son jeu, mais aussi l’originalité de ses programmes. Son goût pour la musique de notre temps - que je partage - a été un déclic. Dans mes récitals – comme je l’ai fait en septembre dans le cadre de « Solistes à Bagatelle » en proposant la Première Sonate de Boulez avec des pages de Beethoven ou de Schumann – j’essaie de m’inscrire dans une même démarche. Ivo Pogorelich m’a enthousiasmé par ses choix et son approche très personnelle, mais il faudrait citer aussi pour leurs enregistrements : Richter, Sofronitsky, Guilels, Michelangeli, Cziffra (j’ai été lauréat de la Fondation qui porte son nom). A la Roque d’Anthéron en août dernier, j’ai entendu Arcadi Volodos, un immense pianiste à l’intensité fascinante et d’une totale intégrité.
© Anthony Allard
Vous vous produisez dans de nombreux endroits mais vos prochains concerts auront lieu dans le cadre du Festival Piano en Valois d’Angoulême. Quelle relation entretenez-vous avec cette manifestation ?
J.-P. G. : Très tôt, Paul-Arnaud Péjouan, le fondateur de ce festival, m’a fait confiance alors que j’étais encore étudiant chez Jacques Rouvier et il m’a invité ensuite à plusieurs reprises. Je suis d’ailleurs considéré comme un membre à vie de la « famille » Piano en Valois ! J’apprécie sa générosité, son absence de dogmatisme et j’ai toujours le même plaisir à de me produire à Angoulême ou dans la région. Ce sera pour moi un moment privilégié de donner ce mois-ci deux récitals autour de la « Waldstein », Après une lecture du Dante et et la Sonate n° 2 de Prokofiev.
Outre vos activités musicales, quels sont vos autres centres d’intérêt ?
J.-P. G. : La philosophie constitue une part importante de moi-même. Après mon Premier Prix de Philosophie au Concours Général des Lycéens en 2013, j’ai soutenu en 2015 un Master en collaboration avec le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris sur la problématique de l’Art et de la Vérité. J’assiste régulièrement à un séminaire à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm en vue de préparer une thèse de Doctorat. Le cinéma est une autre de mes passions, ainsi que la littérature. Si j’ai un faible pour les films de la période des années 60-70, Godard et Antonioni en particulier, cela ne m’empêche pas d’apprécier tout autant Kusturica, Welles, Hitchcock, Visconti, Melville et aussi Sergio Leone ou les films de divertissement avec Belmondo. Je vais régulièrement dans les salles obscures et regarde beaucoup de films à la maison. Ces passions « annexes » contribuent dans une large mesure à nourrir ma quête artistique et mon cheminement d’instrumentiste, car le piano reste ma véritable vocation.
Propos recueillis par Michel Le Naour, le 11 septembre 2016
23e Festival Piano en Valois ( du 8 au 20 octobre 2016)
Récitals de Jean-Paul Gasparian :
-10 octobre 2016 : Ruelle - Théâtre Jean Ferrat de Ruelle (20h30).
-11 octobre 2016 : Angoulême - Théâtre (12h00).
www.piano-en-valois.fr
Site de Jean-Paul Gasparian : www.jeanpaulgasparian.com
A noter : Le Nohant Chopin Festival vient de lancer une collection d’archives. Le volume I sera consacré au dernier récital qu’Aldo Ciccolini y a donné en 2014, avec, en supplément, des extraits de concerts de jeunes pianistes dont Jean-Paul Gasparian dans la Sonate n° 2 de Schumann (Soupir Editions).
Photo © Anthony Allard
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