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Une interview de Ronald Martin Alonso, violiste, fondateur et directeur artistique de l’Ensemble Vedado – Marin Marais à Cuba
La musique de Marin Marais associée à celle du Cubain Calixto Álvarez (né en 1938) : tel est le couplage que Ronald Martin Alonso (photo au centre) et son Ensemble Vedado ont osé pour leur dernier enregistrement.(1) Une mise en miroir aussi inattendue que logique dans la mesure où la partition d’Álvarez, Folias Americanas, qui donne son titre au disque, se veut hommage aux fameuses Folies d’Espagne du musicien français. Couleurs, rythmes : impossible de résister à ce cocktail musical multivitaminé ! Tandis qu’approchent un concert le 2 mars au Théâtre de l’Alliance (dans le cadre de Générations France Musique) et le concert de sortie du disque, le lendemain, à La Marbrerie de Montreuil, Concertclassic a interrogé Ronald Martin Alonso. Rencontre avec un enfant des Chemins du Baroque ...
Comment est né l’Ensemble Vedado, autour de quels compositeurs s’est-il construit ?
L’Ensemble Vedado est né à l’occasion d’un projet autour de pages vocales du compositeur cubain Esteban Salas (1725-1803). Une rencontre très importante s’est par ailleurs produite avec Philippe Hersant. C’est à l’occasion d’un concert de l’Ensemble Sagittarius à Bordeaux, au cours duquel je jouais son Chemin de Jérusalem, que nous avons fait connaissance et noué des liens d’amitié. Il m’a d’ailleurs dédié une pièce, Pascolas (2019) qui, avec Le chemin de Jérusalem, figure dans mon premier disque en solo, au côté de compositions de Sainte-Colombe (« Dialogues », Paraty, 2020). La mise en miroir d’un auteur baroque avec un contemporain est aussi la ligne que nous adoptons régulièrement à l’Ensemble Vedado, soit en cherchant parmi les pièces contemporaines écrites pour nos instruments baroques, soit en proposant des créations comme c’est le cas avec les Folias Americanas de Calixto Álvarez.
Ronald Martin Alonso © Lauren Pasche
Un ouvrage que l’on découvre sur votre nouvel enregistrement, entouré des Suites à trois violes en sol majeur et en ré majeur (tirées du Livre IV) de Marin Marais. Un compositeur essentiel dans l’histoire de votre ensemble et votre parcours personnel ...
C’est un compositeur très inspirant pour tous les violistes. Et puis il y a aussi eu le film « Tous les matins du monde » d’Alain Corneau, qui a changé beaucoup de destins et éveillé des passions chez nombre de personnes. Je l’ai découvert à 20 ans, à l’occasion d’un festival de cinéma français à La Havane. J’étais guitariste et contrebassiste à l’époque et en sortant de la projection tout avait changé : c’est à la viole que je voulais désormais me consacrer ; l’idiomatisme de la musique que je venais d’entendre m’avait profondément ému. Je me suis mis à ce nouvel instrument – je me souviens d’avoir déchiffré Les Voix humaines à partir d’une reproduction en tout petit format de la partition sur la pochette d’un disque de Jordi Savall ... J’ai commencé à jouer à Cuba, au sein de l’Ensemble Ars Longa. La rencontre avec Marin Marais est et restera un moment central de mon existence. C’est un musique très vocale, qui raconte toujours quelque chose, comme s’il y avait des mots derrières les notes.
Calixto Álvarez © DR
Comment vous est venue l’idée d’associer Marin Marais et Calixto Álvarez ?
Calixto Álvarez est le père de Calia Álvarez, l’une des violistes de l’ensemble, avec Lixsania Fernandez. Nous avons tous les trois commencé la viole à Cuba. J’avais à cette époque entendu parler de Calixto Álvarez, mais je ne l’avais jamais rencontré personnellement. Cela s’est produit par l’intermédiaire de Calia. En 2019, j’ai eu l’occasion d’aller jouer à Cuba, invité par l’Ambassade de France ; Calia et Lixsania m’accompagnaient. A cette occasion, j’en ai profité pour demander à Calixto Álvarez, qui a composé en 2012 Folias Americanas, une partition pour viole et clavecin (dédiée à Calia), de réaliser une version pour trois violes (+ clavecin, théorbe, percussions) qui figure donc sur notre dernier enregistrement et dont nous avions assuré la création à La Havane en 2019. Celle-ci s’inscrivait dans le cadre d’un festival de musique ancienne qui avait été lancé en 2004 quand j’étais sur place – juste avant que je vienne en France – grâce au soutien des Chemins du Baroque d’Alain Pacquier. Le festival a duré jusqu’en 2019, mais n’a hélas pas pu redémarrer après l’épisode du covid du fait de la situation économique du pays.
Quel a été l’impact des Chemins du Baroque sur votre parcours ?
On peut dire, comme le faisait Alain Pacquier, que je fais partie des « enfants » des Chemins du Baroque. Grâce à eux, des échanges culturels ont été rendus possibles entre la France et différents pays d’Amérique latine. Nous venions deux fois par an en France pour faire des concerts et pour enregistrer. Quand j’ai décidé de rester en France en 2004, j’ai été accueilli pendant trois ans au sein de Chemins du Baroque. Parallèlement à mes études à Strasbourg, je m’occupais au côté d’Alain de tous les projets de coopération avec l’Amérique latine. Les Chemins du Baroque ont vraiment nourri notre soif de découverte et permis tous ces échanges – tellement enrichissants – avec Gabriel Garrido, l’Ensemble Elyma, etc. Tous les ans, le Festival de Sarrebourg prenait l’allure d’une grande fête réunissant tous les ensembles baroques latino-américains. C’était une occasion unique de rencontrer ces musiciens, et d’écouter des musique complètement inconnues.
Parallèlement à vos activités en soliste et au sein de l’Ensemble Vedado, vous prenez part aussi à diverses formations, Cappella Mediterranea de Leonardo García Alarcón au premier chef. Parlez-moi de cet aspect de votre carrière ...
La collaboration avec des ensembles tels que Capella Mediterranea, Le Poème Harmonique, Les Traversées baroques et d'autres m’offre une occasion unique d’aborder des répertoires que je ne peux pas faire avec mon ensemble pour d’évidentes raisons d’effectif. Avoir le privilège participer à un opéra de Monteverdi avec Leonardo est à chaque fois une véritable leçon en raison de tout ce qu’il nous transmet et des libertés qu’il nous donne en tant que continuiste ; libertés qui s’inscrivent dans un échange constant, où rien n’est jamais figé, où tout est à réinventer à chaque fois. C’est une richesse énorme. Leonardo a vraiment l’esprit d’ensemble, qui permet d’établir le lien entre tous les musiciens pour créer des choses vraiment extraordinaires.
Quel est le prochain projet discographique de l’Ensemble Vedado ?
Nous venons tout juste de l’enregistrer et il sortira l’année prochaine. Il s’agit de Leçons de Ténèbres inédites d’Alexandre de Villeneuve (1677-1756), compositeur français pratiquement inconnu. Il a été assez actif sous la Régence. On lui doit neuf Leçons de Ténèbres ; nous venons d’enregistrer les trois Leçons pour le troisième jour, accompagnées d’un Miserere. Une musique magnifique que nous donnerons le 15 mars prochain à Vézelay, à la Cité de la Voix – qui apporte son soutien à l’Ensemble Vedado.
Vous êtes aussi attendu au Festival de Sarrebourg le 20 mai prochain ...
Nous assurerons en effet la clôture du festival dans un programme de musique cubaine que nous avions préparé à l’occasion de la sortie du livre de Marcel Quillivéré « Cuba, une histoire de l’île par sa musique et sa littérature ».(1) Une programme qui brasse des musiques de diverses époques et que nous partagerons avec la chanteuse Diana Baroni, avec laquelle j’ai enregistré le disque « Mujeres » ( 2023, Aparté)
Propos recueillis par Alain Cochard le 8 février 2024
(2) Lire l’interview de Marcel Quillivéré par Michel Egéa (déc. 2022) : www.concertclassic.com/article/rencontre-avec-marcel-quillevere-cuba-ma-passion-ma-blessure
Folias Americanas ( dans le cadre de Générations France Musique)
2 mars 2024 – 16h
Paris – Théâtre de l’Alliance Française
3 mars 2014 – 20h (ouverture des portes à 19h – restauration du place)
Montreuil – La Marbrerie (M° Marie de Montreil)
lamarbrerie.fr/folias-americanas-ronald-martin-alonso-ensemble-vedado/
Site de l’Ensemble Vedado :
www.ensemblevedado.com/
Photo © Erol Gum
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