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Une interview d’Hugo Reyne, directeur artistique du Festival Baroque du Pays du Mont-Blanc - Dames de cœur
Une interview d’Hugo Reyne, directeur artistique du Festival Baroque du Pays du Mont-Blanc - Dames de cœur
Alors que la canicule vient de sévir plusieurs jours dans l’hexagone, la simple évocation du Mont-Blanc, d’églises fraîches ou du bon air de l’altitude fait rêver. Ajoutez-y quelques notes de musique baroque, les meilleurs ensembles actuels et les plus prometteurs, de la simplicité, de la proximité et de la convivialité : bienvenue au Festival Baroque du Pays du Mont-Blanc.
Hugo Reyne (photo), flûtiste, hautboïste et directeur musical de la Simphonie du Marais, a beaucoup de cordes à son arc, parmi lesquelles, depuis six ans, la direction artistique de ce festival. Sa 22e édition, qui se déroule du 9 au 19 juillet, est consacrée aux femmes ; compositrices, interprètes, muses ou encore mécènes. Hugo Reyne parle avec une joie et un appétit communicatifs de ces « Dames de cœur » au Pays du Mont-Blanc.
Vous mettez toutes les dames à l’honneur cette année. Une thématique à la mode ?
Hugo REYNE : (rires) Oui et non. Sur un tout autre projet, j’avais eu l’occasion dans mon Festival en Vendée de bâtir un programme autour de la féminité en musique. J’y ai songé en préparant cette édition que certes je dirige artistiquement, mais dont les décisions sont prises en collégialité. Jusqu’à cette année, nous avions une Présidente au festival, Christine Borja de Mozota (qui d’ailleurs ne nous abandonne pas du tout, mais change juste d’activité) ; ce choix éditorial des femmes l’inspirait comme moi. L’actualité récente a évidemment contribué à nous faire réfléchir et fléchir dans ce sens.
L’Italie du Seicento a hébergé d’extraordinaires compositrices et talents féminins : Barbara Strozzi, Isabelle Leonarda, Francesca Caccini, Elisabeth Jacquet de la Guerre. Nous allons faire entendre cette musique qui le mérite !
Ensuite, il y a les interprètes ; nous avons la chance aujourd’hui d’avoir de formidables musiciennes, chanteuses ou instrumentistes : la soprano Mariana Flores vient de faire un récital avec La Cappella Mediterranea et Leonardo García Alarcón en avant-première le 15 juin dernier. Lucile Richardot nous fait l’honneur de l’ouverture dans un programme autour des « magiciennes baroques ». Je pense à Capucine Keller avec son « Capriccio d’Amor » ou à Saskia Salembier - également violoniste, qui prévoit avec « Abbandonata », des drames à l’italienne » avec l’ensemble Opalescences, ou encore Stéphanie de Failly, grande dame du violon baroque, qui avec l’ensemble Clematis, jouera des œuvres de trois compositrices baroques italiennes.
Enfin, il y a les muses. Les femmes inspiratrices… Je vais jouer avec la Simphonie du Marais un programme Vivaldi dont un concerto composé pour sa plus talentueuse disciple de la Pietà de Venise. De même, Jean Tubéry et la Fenice ont conçu un très beau voyage musical autour des muses du Mont Parnasse. Certaines femmes de pouvoir ont permis à la musique d’exister et d’être diffusée… Marco Horvat a choisi par exemple de nous faire découvrir les œuvres que Christine de Suède adorait.
Hugo Reyne (photo), flûtiste, hautboïste et directeur musical de la Simphonie du Marais, a beaucoup de cordes à son arc, parmi lesquelles, depuis six ans, la direction artistique de ce festival. Sa 22e édition, qui se déroule du 9 au 19 juillet, est consacrée aux femmes ; compositrices, interprètes, muses ou encore mécènes. Hugo Reyne parle avec une joie et un appétit communicatifs de ces « Dames de cœur » au Pays du Mont-Blanc.
Vous mettez toutes les dames à l’honneur cette année. Une thématique à la mode ?
Hugo REYNE : (rires) Oui et non. Sur un tout autre projet, j’avais eu l’occasion dans mon Festival en Vendée de bâtir un programme autour de la féminité en musique. J’y ai songé en préparant cette édition que certes je dirige artistiquement, mais dont les décisions sont prises en collégialité. Jusqu’à cette année, nous avions une Présidente au festival, Christine Borja de Mozota (qui d’ailleurs ne nous abandonne pas du tout, mais change juste d’activité) ; ce choix éditorial des femmes l’inspirait comme moi. L’actualité récente a évidemment contribué à nous faire réfléchir et fléchir dans ce sens.
L’Italie du Seicento a hébergé d’extraordinaires compositrices et talents féminins : Barbara Strozzi, Isabelle Leonarda, Francesca Caccini, Elisabeth Jacquet de la Guerre. Nous allons faire entendre cette musique qui le mérite !
Ensuite, il y a les interprètes ; nous avons la chance aujourd’hui d’avoir de formidables musiciennes, chanteuses ou instrumentistes : la soprano Mariana Flores vient de faire un récital avec La Cappella Mediterranea et Leonardo García Alarcón en avant-première le 15 juin dernier. Lucile Richardot nous fait l’honneur de l’ouverture dans un programme autour des « magiciennes baroques ». Je pense à Capucine Keller avec son « Capriccio d’Amor » ou à Saskia Salembier - également violoniste, qui prévoit avec « Abbandonata », des drames à l’italienne » avec l’ensemble Opalescences, ou encore Stéphanie de Failly, grande dame du violon baroque, qui avec l’ensemble Clematis, jouera des œuvres de trois compositrices baroques italiennes.
Enfin, il y a les muses. Les femmes inspiratrices… Je vais jouer avec la Simphonie du Marais un programme Vivaldi dont un concerto composé pour sa plus talentueuse disciple de la Pietà de Venise. De même, Jean Tubéry et la Fenice ont conçu un très beau voyage musical autour des muses du Mont Parnasse. Certaines femmes de pouvoir ont permis à la musique d’exister et d’être diffusée… Marco Horvat a choisi par exemple de nous faire découvrir les œuvres que Christine de Suède adorait.
Lucile Richardot, invitée de la soirée inaugurale du 9 juillet, en compagnie du claveciniste Jean-Luc Ho © Igor Studio
Au-delà de la thématique annuelle, quelles sont les lignes immuables et fondatrices du festival ?
H.R. : Une douzaine de concerts en soirée dans une douzaine d’églises différentes, réparties sur les communes du beau pays du Mont-Blanc. Des têtes d’affiches, des ensembles émergeants dont beaucoup sont issus du Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon ou de Haute-Savoie. Chaque année d’ailleurs, je découvre de jeunes artistes locaux, de plus en plus jeunes et de plus en plus talentueux !
Nous tenons à la variété : musique vocale, musique instrumentale, petite forme en duo ou trio jusqu’aux grandes formations, comme le chœur Polhymnia de Genève qui viendra en clôture dans le vaisseau de Sallanches.
Le Pays du Mont-Blanc possède dans ses villages de magnifiques églises avec des retables baroques de toute beauté. Même si on y joue et y chante autant de musique profane que sacrée, ce sont ces églises au milieu des montagnes qui sont le fondement, l’identité du festival.
Au-delà de la thématique annuelle, quelles sont les lignes immuables et fondatrices du festival ?
H.R. : Une douzaine de concerts en soirée dans une douzaine d’églises différentes, réparties sur les communes du beau pays du Mont-Blanc. Des têtes d’affiches, des ensembles émergeants dont beaucoup sont issus du Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon ou de Haute-Savoie. Chaque année d’ailleurs, je découvre de jeunes artistes locaux, de plus en plus jeunes et de plus en plus talentueux !
Nous tenons à la variété : musique vocale, musique instrumentale, petite forme en duo ou trio jusqu’aux grandes formations, comme le chœur Polhymnia de Genève qui viendra en clôture dans le vaisseau de Sallanches.
Le Pays du Mont-Blanc possède dans ses villages de magnifiques églises avec des retables baroques de toute beauté. Même si on y joue et y chante autant de musique profane que sacrée, ce sont ces églises au milieu des montagnes qui sont le fondement, l’identité du festival.
Hugo Reyne pendant une causerie d'avant-concert © Fabrice Deverly
Avant chaque concert, vous organisez un moment d’échange entre les artistes et le public, joliment appelé « les causeries ». Vous semblez y tenir beaucoup ?
H.R. : Vrai ! J’avais découvert le principe, en tant qu’artiste invité au festival de musique de l’abbaye de Saint-Michel en Thiérache. C’est Jean-Michel Verneiges lui-même qui animait la rencontre. L’idée m’avait énormément plu et convaincu. J’assure la direction du festival de musique baroque du Pays du Mont-Blanc depuis six ans, j’ai tenu dès mon arrivée à mettre en place ce temps de causerie. Je trouve important cette première étape de la soirée. On se retrouve simplement dans une salle communale avant le concert et on se cause, équipe, artistes, public. Je suis heureux de ces moments privilégiés où l’on peut tous profiter pleinement et directement de la présence des artistes. De mon côté, je présente les parcours, les programmes, puis les artistes s’expriment sur ce qu’ils vont interpréter avec des questions du public. Bien entendu, tout le monde ne vient pas, mais ces causeries ont un effet « boule de neige » et je constate que de plus en plus de monde les suit. Cela donne des clés d’écoute, avec le sentiment après de mieux connaître, de mieux comprendre, donc de mieux appréhender la musique qui va suivre. Le but reste de faire connaître ces musiques extraordinaires.
Vous savez, le métier de musicien est plus solitaire que l’on ne croit… J’ai créé les « confidences baroques » en Vendée, je poursuis le principe à la Chabotterie aujourd’hui, il y a les causeries au Pays du Mont-Blanc, je remarque partout que les artistes eux-mêmes apprennent des choses de ces rencontres. En vérité, cela les rapproche, les soude.
Avant chaque concert, vous organisez un moment d’échange entre les artistes et le public, joliment appelé « les causeries ». Vous semblez y tenir beaucoup ?
H.R. : Vrai ! J’avais découvert le principe, en tant qu’artiste invité au festival de musique de l’abbaye de Saint-Michel en Thiérache. C’est Jean-Michel Verneiges lui-même qui animait la rencontre. L’idée m’avait énormément plu et convaincu. J’assure la direction du festival de musique baroque du Pays du Mont-Blanc depuis six ans, j’ai tenu dès mon arrivée à mettre en place ce temps de causerie. Je trouve important cette première étape de la soirée. On se retrouve simplement dans une salle communale avant le concert et on se cause, équipe, artistes, public. Je suis heureux de ces moments privilégiés où l’on peut tous profiter pleinement et directement de la présence des artistes. De mon côté, je présente les parcours, les programmes, puis les artistes s’expriment sur ce qu’ils vont interpréter avec des questions du public. Bien entendu, tout le monde ne vient pas, mais ces causeries ont un effet « boule de neige » et je constate que de plus en plus de monde les suit. Cela donne des clés d’écoute, avec le sentiment après de mieux connaître, de mieux comprendre, donc de mieux appréhender la musique qui va suivre. Le but reste de faire connaître ces musiques extraordinaires.
Vous savez, le métier de musicien est plus solitaire que l’on ne croit… J’ai créé les « confidences baroques » en Vendée, je poursuis le principe à la Chabotterie aujourd’hui, il y a les causeries au Pays du Mont-Blanc, je remarque partout que les artistes eux-mêmes apprennent des choses de ces rencontres. En vérité, cela les rapproche, les soude.
Les bénévols du festival © Fabrice Deverly
Quid du public du festival ? Randonneurs mélomanes ?
H.R. : Le public est par essence volatile. Des randonneurs, des vacanciers, des retraités installés en Haute-Savoie et des tas de gens du coin. Moins de couples trentenaires avec enfants que de personnes plus âgées qui ont davantage de temps… Et c’est très beau aussi. J’admire ce public, très actif au fond. Certains retraités passionnés sont devenus bénévoles du festival et s’en donnent à cœur joie. Ils font même des voyages thématiques en lien avec la programmation. Ce noyau dur de fidèles contribue à faire exister le festival, à créer de l’activité dans le village. Sans les bénévoles, pas de festival !
A côté des concerts en soirée, il y a aussi une sorte de « off » ?
H.R. : En effet. Les communes proposent des activités en marge : concerts l’après-midi dans des salles ou en plein air, au pied des téléphériques ou en altitude. C’est l’occasion de concerts plus modestes, par des amateurs ou de jeunes musiciens encore étudiants.
Quid du public du festival ? Randonneurs mélomanes ?
H.R. : Le public est par essence volatile. Des randonneurs, des vacanciers, des retraités installés en Haute-Savoie et des tas de gens du coin. Moins de couples trentenaires avec enfants que de personnes plus âgées qui ont davantage de temps… Et c’est très beau aussi. J’admire ce public, très actif au fond. Certains retraités passionnés sont devenus bénévoles du festival et s’en donnent à cœur joie. Ils font même des voyages thématiques en lien avec la programmation. Ce noyau dur de fidèles contribue à faire exister le festival, à créer de l’activité dans le village. Sans les bénévoles, pas de festival !
A côté des concerts en soirée, il y a aussi une sorte de « off » ?
H.R. : En effet. Les communes proposent des activités en marge : concerts l’après-midi dans des salles ou en plein air, au pied des téléphériques ou en altitude. C’est l’occasion de concerts plus modestes, par des amateurs ou de jeunes musiciens encore étudiants.
Le retable de l'église Notre-Dame de l'Assomption à Cordon © Fabrice Deverly
Si vous deviez ne retenir qu’un moment déterminant au festival, quel serait-il ?
H.R. : Je suis d’abord venu au Pays du Mont-Blanc avec la Simphonie du Marais, invité comme musicien. Je ne connaissais pas la montagne à cette saison. Pour moi, le Mont-Blanc et la Haute-Savoie s’associaient à la neige, aux sports d’hiver !
J’ai été absolument fasciné par la montagne l’été… J’avoue ensuite ne pas être insensible à la beauté de certaines églises, chaleureuses, colorées. Enfin, le plus important, ce sont précisément les réactions du public. J’ai d’émouvants souvenirs d’interactions, notamment autour de Vivaldi et du thème de la mer, avec l’idée de flux et de reflux. C’est magnifique lorsqu’un spectateur vient vous voir en disant que grâce au festival, il a découvert la musique baroque. Simple, direct et magnifique.
Et après les montagnes, où serez-vous Hugo Reyne ?
H.R. : Je retrouverai La Chabotterie pour deux concerts Bach et Mozart, avec une quinzaine de musiciens à chaque fois et un récitant. Fin août, début septembre, ce seront trois jours dans le superbe jardin de l’Hôtel de Sully pour la deuxième édition du Festival Marais Baroque (en partenariat avec le Centre des monuments nationaux). Le festival baroque aux Sables d’Olonne - que j’ai initié il y a cinq ans maintenant - aura lieu pendant trois jours mi-septembre… Concerts gourmands dans des lieux insolites. Venez, on va se régaler !
Propos recueillis par Gaëlle Le Dantec, le mardi 25 juin 2019
Si vous deviez ne retenir qu’un moment déterminant au festival, quel serait-il ?
H.R. : Je suis d’abord venu au Pays du Mont-Blanc avec la Simphonie du Marais, invité comme musicien. Je ne connaissais pas la montagne à cette saison. Pour moi, le Mont-Blanc et la Haute-Savoie s’associaient à la neige, aux sports d’hiver !
J’ai été absolument fasciné par la montagne l’été… J’avoue ensuite ne pas être insensible à la beauté de certaines églises, chaleureuses, colorées. Enfin, le plus important, ce sont précisément les réactions du public. J’ai d’émouvants souvenirs d’interactions, notamment autour de Vivaldi et du thème de la mer, avec l’idée de flux et de reflux. C’est magnifique lorsqu’un spectateur vient vous voir en disant que grâce au festival, il a découvert la musique baroque. Simple, direct et magnifique.
Et après les montagnes, où serez-vous Hugo Reyne ?
H.R. : Je retrouverai La Chabotterie pour deux concerts Bach et Mozart, avec une quinzaine de musiciens à chaque fois et un récitant. Fin août, début septembre, ce seront trois jours dans le superbe jardin de l’Hôtel de Sully pour la deuxième édition du Festival Marais Baroque (en partenariat avec le Centre des monuments nationaux). Le festival baroque aux Sables d’Olonne - que j’ai initié il y a cinq ans maintenant - aura lieu pendant trois jours mi-septembre… Concerts gourmands dans des lieux insolites. Venez, on va se régaler !
Propos recueillis par Gaëlle Le Dantec, le mardi 25 juin 2019
22e Festival Baroque du Pays du Mont-Blanc, du 9 au 19 juillet 2019 / Programme complet : www.festivalmontblanc.fr
Photo © La SdM
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