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Une trilogie implacable. L’Opéra de Lyon affiche les trois héroïnes de Leos Janacek
Jenufa, Katia Kabanova, Emilia Marti, trois femmes, trois destins, trois phantasmes. Leos Janacek passa sa vie créatrice à se confronter à l’éternel féminin. Pour la Jenufa de Gabriela Preissova, une romancière réaliste issue de l’école de Giovanni Verga, Janacek inventa un folklore imaginaire et confronta son orchestre et son écriture vocale à un texte surabondant, qui renâclait à se plier aux mètres de l’opéra. Jenufa, fille mère, conserve malgré les épreuves qui vont la briser un caractère angélique. Elle demeure, dans l’idéal du compositeur, pure, offerte dans sa nudité à la cruauté de la société : une victime expiatoire.
Katia Kabanova, l’héroïne fragile de l’Orage d’Ostrovski, toute entière soumise à la tyrannie de sa belle mère, fait un pas vers la libération en osant céder aux avances de son amant, mais elle paiera cette audace de sa vie, choisissant de se jeter dans la Volga plutôt que de subir l’opprobre sociale. Avec Emilia Marti, l’héroïne de L’Affaire Makropoulos (qu’il serait plus juste d’intituler La « chose » Makropoulos), nous touchons aux limites du récit fantastique cher aux écrivains tchèques (Kubin, Capek, l’auteur de la pièce éponyme, et bien sûr Kafka). Emilia Marti jouit du bénéfice de l’élixir de vie quasi éternelle inventé par son père. Après trois cent ans d’une carrière fournie, elle a atteint le sommet de son art de chanteuse lyrique. Mais le succès ne lui a apporté qu’amertume et finalement elle choisira d’accepter sa mort prochaine et de renoncer à recourir encore une fois au philtre de jeunesse.
Le caractère dramatique d’Emilia Marti fut inspiré par Kamila Stosslova, le dernier amour de Janacek. Elle ne le paya guère de retour. Kamila se montra toujours rétive devant les avances du compositeur, bien plus âgé qu’elle il est vrai ; alors qu’il lui écrivait quotidiennement, elle ne lui répondait que par ellipses, entretenant chez Janacek un sentiment de frustration qui le conduisit à la dépeindre sous les traits de l’insensible cantatrice. Durant ses dernières années, Janacek tint un journal intime, « le journal de Kamila ». Au cour des lignes, il détaille toute l’amertume masochiste que lui inspire cet amour impossible.
Lyon présente avec ces trois opéras majeurs de la création lyrique du XXe siècle le journal intime du compositeur . Les mises en scène épurées de Nikolaus Lehnhoff ont atteint pour cette trilogie une perfection jamais égalée depuis. Le DVD les a documentées (Jenufa et Katia Kabanova sont disponibles chez Arthaus, L’Affaire Makropoulos fera son entrée au catalogue français de Warner en septembre mais est déjà disponible en Allemagne, sans sous titres français hélas). Nul doute qu’un pèlerinage dans la capitale des Gaulles n’aura jamais été aussi nécessaire pour les mélomanes avides de découvertes.
Jean-Charles Hoffelé
Jenufa, les 10, 18, 20 et 26 Mai, le 1er Juin
Katia Kabanova, les 11, 17, 21 Mai, le 2 Juin
L’Affaire Makropoulos, les 12, 22 24 et 29 Mai, le 3 Juin.
Les DVD de Jenufa et Katia Kabanova mis en scène par Nikolaus Lehnhoff.
Photo : DR
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