La Salle des Batailles est-elle un lieu de concert pour la grande formation romantique illustrée en cette fin de dimanche par les Musiciens du Louvre et Marc Minkowski ? On aurait envie de répondre oui, car si les musiciens ont un retour capricieux qui les empêche de s’entendre, le spectateur renoue avec une audition directe, qui passe par tout le corps, loin de l’esthétique sonore aseptisée des acoustiques des salles modernes. L’orchestre de Berlioz en profite assurément, et surtout Harold en Italie dont la langue complexe, l’orchestration abondante, détestent les lectures radiographiques.

Le geste exalté de Marc Minkowski délivrait le génie flamboyant de Byron au travers des fureurs berlioziennes, et en laissait chanter les étranges paysages poétiques, trouvant toujours le frémissement narratif qui fait de l’œuvre non pas un concerto mais un roman avec personnage principal. Antoine Tamestit (photo) joue son Stradivarius magique, profond dans le grave comme un violoncelle, mordoré et incroyablement sonore dans le médium, subtil, avec des sons de verre dans l’aigu, il en joue et cela suffit : simplicité, éloquence naturelle, rien ici ne se charge mais tout dit, tout raconte et emmène le lecteur. Impossible qu’une pareille adéquation ne finisse pas en disque.

Pour La Mort de Cléopâtre, Sylvie Brunet tentait plutôt la furie que la Reine. Composition univoque, qui ne semblait pas vouloir entendre les lignes nobles, déduites de Gluck, pour mieux délivrer le portrait d’une héroïne d’opéra. Cela se peut, mais ne nous a pas convaincu. Pas autant en tous cas que la Suite de Casse Noisette où un Tchaïkovski sans complexe s’ébrouait dans un romantisme généreux que les couleurs de l’orchestre donnaient à entendre en une profusion chaleureuse. Un vrai conte d’avant Noël où passaient, à peine suscitées mais bien présentes, quelques ombres hoffmaniennes.

Jean-Charles Hoffelé

Château de Versailles, Galerie des Batailles, le 23 novembre 2008

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Photo : DR