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Vincent Dumestre enregistre Cavalli à Versailles - Le retour d’Egisthe, dix ans après
De cet Egisto, les mélomanes gardaient le souvenir ébloui d’un spectacle magique monté en 2012 à l’Opéra Comique par Benjamin Lazar : dans une colonnade sur deux niveaux, éclairée par des bougies et tournant sur elle-même, évoluaient les héros de cette pastorale vénitienne conçue pour le Teatro San Cassiano, celui-là même qui avait été inauguré en 1637 et où l’opéra naquit en tant que genre destiné au grand public et non plus seulement aux cours princières. Créé en 1643, l’Egisto connut un grand succès dans toute l’Italie et pourrait même avoir été donné à Paris pour le mardi gras 1646, dans la salle du Petit-Bourbon, où venait d’être joué La finta pazza, mais tous les musicologues ne sont pas d’accord sur ce point.
En 2012 le spectacle donné Salle Favart n’avait malheureusement pu être filmé car il était décidément trop nocturne pour que les caméras puissent en tirer quelque chose, à moins de le dénaturer en introduisant des lumières supplémentaires. Les regrets persisteront, mais au moins le versant musical va-t-il connaître, dix ans après, une renaissance inattendue qui comblera opportunément une lacune de la discographie. Vincent Dumestre (photo) remet son ouvrage sur le métier, toujours à la tête de son Poème Harmonique qui, même en petite formation, dispense les envoûtantes sonorités de ses instruments anciens.
De la distribution de 2012 n’ont survécu que le rôle-titre et l’un des personnages secondaires. Marc Mauillon reste l’Egisto déchirant qu’il était naguère sur scène, et l’on appréciera de pouvoir réentendre au disque la grande scène de folie du héros. L’autre « revenant », c’est David Tricou en Apollon, l’un des nombreux ténors que nécessite l’œuvre. Dans la même catégorie vocale, on remarque la truculence de Nicholas Scott dans le rôle travesti de la vieille entremetteuse Dema, ou les suaves accents de Zachary Wilder, Lidio galant. En 2012, Hipparco était également ténor, puisque le personnage était confié à Cyril Auvity, mais le voilà devenu baryton, et élégamment défendu par Romain Bockler.
Du côté des dames, c’est toute une palette de couleurs, des plus sombres aux plus claires, qui nous est offerte : parmi les – nombreuses – voix graves, on retient l’opulente richesse de Caroline Meng (déjà présente en 2013, quand le spectacle était parti en tournée), les timbres mordorés de Floriane Hasler, Marielou Jacquard et Victoire Bunel, la souplesse expressive d’Ambroisine Bré qui, en Climène, bénéficie entre autres d’un superbe lamento ; chez les sopranos, on goûte le piquant d’Eugénie Lefebvre en Amour et le charme délicat de Sophie Junker. A paraître la saison prochaine, vraisemblablement.
Laurent Bury
© lepoemeharmonique.fr
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