Journal
Vincent Mussat en récital, en musique de chambre et ... autrement ! – Piano intense
Le répertoire de piano est gâté par la jeune génération d’interprètes français sous le label Scala Music. Après les merveilleux « Paradis perdus » de Jodyline Gallavardin – qui nous a laissé entrevoir en public il y a peu une suite à ce premier album avec de non moins cohérents et inspirés « Paradis retrouvés » ... –, après le Ravel/Schumann de Tom Carré, c’est au tour de Vincent Mussat (photo) de faire entendre sa voix singulière. Le climat toulousain comporterait-il un élément favorable au piano ? Comme Bertrand Chamayou et Adam Laloum, c’est de la ville rose qu’est originaire un artiste distingué par une Révélation Classique de l’Adami en 2019 et par la Fondation Banque Populaire en 2021 et dont l’activité allie la fréquentation du répertoire à des dispositions assez exceptionnelles pour l’improvisation.
Au gré des ondes : emprunté à un ouvrage de jeunesse d’Henri Dutilleux, le titre de l’enregistrement de Vincent Mussat (1) est une invite à se laisser porter par un jeu d’une profonde intensité. Lumineux et fluides, les Jeux d’eau de Ravel donnent le ton, avant que l’on ne s’embarque dans Gaspard de la nuit. « Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot » ... Le sens du dessin, la netteté du trait frappent de bout en bout ; la virtuosité d’Ondine ou de Scarbo n’est jamais dévoyée, gratuitement extériorisée, et c’est par une concentration extrême que l’interprétation touche au cœur de la musique.
Recueil de six délicieuses miniatures écrites à l’époque où le compositeur travaillait pour le Service d’illustration musicale de la Radio, Au gré des ondes offre une séduisante transition – du Dutilleux « première manière » certes, mais d’un charme fou ! – vers la Sonate pour piano (1946-1948) du même. Vieille connaissance pour Vincent Mussat qu’une œuvre qu’il avait eu l’occasion de donner en 2016 lors du centenaire de la naissance du compositeur. Si la Sonate a connu une certaine « mode » il a quelques années, on l’entend bien moins hélas de nos jours. L’interprète s’y montre comme un poisson dans l’eau, avec des couleurs variées, un profond sens harmonique et une poésie intense (admirable Lied central) qui décrivent l’envol du maître que l’on sait. Grande version – qu'il serait passionnant de glisser dans une écoute comparée en aveugle ...
La sortie de l’album de Vincent Mussat, lui vaut d’être invité le 10 juin dans le cadre de Générations France Musique le live en solo. On le retrouvera ensuite, le 19 juin à la salle Colonne (75013), au côté de la bassoniste Marie Boichard, pour fêter la sortie d’une belle anthologie de pièces françaises rares opportunément intitulée « Timbres » (Büsser, Bitsch, Duclos, Bernaud, Fauré, Dubois et Ibert) (2), puis le 27 juin, sur ses terres toulousaines, pour un rendez-vous de la Fondation Banque populaire, partagé avec le non moins excellent Trio Zeliha au château de Preissac.
Enfin, le 17 juillet à la Scala Provence (3), l’autre visage de Vincent Mussat, celui de l’improvisateur, s’offrira aux auditeurs lors d’un récital « Juke Box ». On y entendra certes un peu de Dutilleux et de Ravel, mais c’est d’abord le public qui se fera programmateur en suggérant au pianiste des thèmes sur lesquels il improvisera. Comme un poisson dans l'eau !
Alain Cochard
8/06/ 2023
(1) 1 CD Scala Music SMU008
(2) 1 CD Klarthe KLA161
(3) lascala-provence.fr/programmation/juke-box/
Photo © Ludovic Guilmot
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