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Vingt ans pour Diabolus in Musica - Le Moyen Âge retrouvé
Vingt ans, c'est l'âge de l'ensemble Diabolus in Musica, chantre d'un Moyen Âge en devenir dont Antoine Guerber, son chef, connaît tous les détours. A cet égard, le nom de la formation est déjà en soi un symbole, car le «diable en musique» ou intervalle de quarte augmentée (ex. fa-si naturel) semblait alors une aberration acoustique formellement condamnée par les puristes. Apparus donc en 1991, nos «diables» peuvent être fiers du chemin parcouru en ces deux décennies d'exploration musicale. A l'école d'un savant mentor comme Dominique Vellard, Antoine Gerber est entré dans le Moyen Âge, comme d'autres entreraient en religion et son enthousiasme a fait le reste, avec la complicité de talents (Jean-Paul Rigaud, Philippe Roche, etc.,) dont la fidélité demeure la fierté du maître d'oeuvre.
Installé à Tours dès 1992, le groupe a vite décliné sa différence, soutenu par quelques subventions bienvenues, permettant la gravure des premiers enregistrements, parallèlement aux premiers concerts, voués à l'exhumation des Trouvères et de l'Ecole dite de Notre-Dame (XIIème- XIIIème siècles). Là encore, la constance de Diabolus in Musica est exemplaire, car les Organa de l'Ars Antiqua constituent toujours la base du travail musicologique de l'ensemble, avec un rêve qui pourrait bientôt devenir réalité : l'intégrale, au disque, de l'oeuvre de Pérotin.
Pour autant, Antoine Gerber, en esprit prudent, n'a pas vraiment l'impression que le regard des amateurs sur le répertoire médiéval ait sensiblement changé ; un sentiment chevillé au corps de ce perfectionniste qui éprouve toujours le besoin de se justifier et déplore que l'admiration portée aux chefs-d'oeuvre de l'architecture gothique ou, côté lettres, aux romans du Cycle Breton, des légendes arthuriennes et de Chrétien de Troyes n'ait pas son équivalent en musique. En d'autres termes, que la musique médiévale ne soit pas reconnue à l'égal de la musique baroque. A cet égard, le foisonnement des années 90 semble à ses yeux retombé, non pas synonyme de lassitude, mais plutôt désir de voir émerger de nouveaux noms, propres à susciter de nouveaux enthousiasmes dans le répertoire des hautes époques !
De toute façon, l'heure n'est pas au pessimisme, surtout quand Gerber et son collectif zélé concoctent un hommage très attendu à Jean Ockeghem qui fut maître de chapelle de la cour de France, sous Charles VII, Louis XI et Charles VIII et, au-delà, un génie pétri d'humanité que le grand Josquin pleura à sa mort (1497), dans une lamentation restée fameuse («accoutrés-vous d'habitz de deuil et versez grosses larmes d'œil : avons perdu nostre bon père!..»). Dans le culte de la mémoire, le Moyen Age savait joindre l'art à la manière...
Roger Tellart
Ensemble Diabolus in Musica
Hommage à Ockeghem (œuvre de La Rue, Ockeghen, Busnoys, Deprez)
15 février 2012 – 20h30
Paris – Oratoire du Louvre
(programme repris le 17 mars à la cathédrale de Tours)
Site de l’ensemble Diabolus in Musica : www.diabolusinmusica.fr
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Photo : Benjamin Dubuis
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