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« Viva Italia » au 45e Festival du Vigan avec Vincent Beer-Demander – La mandoline en folie – Compte-rendu

Il est académicien, mais son Vaugelas, c’est la mandoline, à l’Académie de Marseille, créée par lui en 2007 (1), et qui assure la promotion et l’enseignement des instruments à cordes pincées, si éloquemment méditerranéens, et notamment la mandoline, cet instrument un peu à part dans le paysage musical : grâce à sa générosité, au caractère explosif autant que rigoureux de son jeu, grâce à son ouverture d’esprit et aux amitiés mondiales que son énergie lui a ménagées,Vincent Beer Demander (photo) est en passe de devenir une vedette hors normes. On l’avait notamment applaudi dans un registre plus resserré, lors de la présentation salle Gaveau des 24 Caprices pour mandoline solo du cher Vladimir Cosma, cet autre dispensateur de bonheur, il y a près de deux ans. Puis les vents mauvais ont balayé presque toutes les réjouissances musicales. Mais il n’a jamais arrêté de diffuser son message par tous les biais possibles et on vient de le retrouver avec délectation au sein du Festival du Vigan, riche en surprises toujours judicieusement agencées par son créateur et directeur Christian Debrus, comme le Quatuor d’accordéons Aeolina, qui a joué non du musette, mais Mahler et Berlioz !
 
Pour la plus grande partie du public, Beer-Demander était une découverte. Désormais voici un nouveau bataillon de fans à son actif, impatients de revivre un tel moment de joie de vivre autant que d’incontestable finesse sonore et humaine. Avec sa tignasse ébouriffée et sa stature bien campée, il ressemble à quelque spadassin d’une gravure de Callot, sorti de la Guerre de Trente ans, mais ses doigts sont ceux d’une fée. Et dès qu’il s’empare de la scène, infusant son énergie à ses compagnons de plateau, en l’occurrence le brillant Orchestre de Chambre des Cévennes, tout à la joie d’une telle expérience, il s’empare aussi de la salle, parlant, tapant du pied, virevoltant. On apprend des choses sur son instrument, que l’on croit souvent réservé à quelque aubade (on se souvient du délicieux moment incrusté par Prokofiev dans le lyrisme grandiloquent de son Roméo et Juliette), on constate que les grands du XVIIIe siècle ne l’ont pas négligé, on évoque le souvenir de Marie-Antoinette qui en jouait car il était plus élégant à manier que d’autres cordes, puis on passe à Piazzolla, Cosma, Schifrin, et tous ceux, innombrables à notre époque, qui ont écrit pour la mandoline, et le plus souvent pour la sienne.
 
En l’occurrence, la voie royale était celle de l’Italie, dont le concert racontait la vivacité, l’éclat et la lumière, de Cimarosa à Leonardi, de Paisiello à Calace, au tournant du XXe siècle, de l’éblouissant Concerto pour violon et mandoline RV 548 de Vivaldi où le violon du chef de l'orchestre, François Gilles, ricochait avec gourmandise sur la mandoline, à l’irrésistible Csardas de Monti. Un mélange de classicisme et de modernité, d’aristocratie et de jovialité. Pour Beer-Demander, la musique n’a pas de frontières, mais il avoue aimer par-dessus tout la populaire, qu’il pratique d’une façon qui n’a rien à voir avec le populisme. La vraie élégance, d’autant que sa curiosité l’incite aussi à participer à des aventures plus pointues dans le registre de la musique contemporaine. Qui l’a écouté en redemande, et le plus vite possible, tant sa présence et son talent sont bénéfiques.
 
Pour le public fidèle du Vigan, l’année a donc été riche en surprises festives et originales, outre la découverte d’un nouveau et superbe lieu de concert, le Château de Mareilles, et l’on attend avec intérêt, le 13 août, la version pour quintette à cordes de La Création de Haydn, transcrite par Anton Wranitzky en 1805, avec le renfort du chœur de l’Abbaye de Sylvanes,  sous la direction de Michel Piquemal, habitué du Vigan. Pour finir sur Galliano, l’irrésistible, et sur la classe de Geoffroy Couteau, conjuguée avec la clarinette de Pierre Génisson, dans Brahms et Schumann. Jubilatoire.
 
Jacqueline Thuilleux

(1) Interview de Vincent Beer-Demander par Michel Egéa : www.concertclassic.com/article/un-interview-de-vincent-beer-demander-mandoliniste-populaire-et-savant
 
45e Festival du Vigan, 3 août 2021 ;  jusqu’au 24 août 2021 / www.festivalduvigan.fr/
 
Dans l'abondante  discographie de Vincent Beer Demander, on peut réserver une écoute attentive et ludique à son « Grand Récital », où, accompagné par le pianiste Jean-Jacques Bédikian, il joue des pièces de compositeurs contemporains qui, pour la plupart, lui sont dédiées (Double CD live, label Maison Bleue & Compagnie VBD Productions)
  
Photo © Jimmy Seng

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